Une friche maritime
Cherbourg, le 9 septembre 2023
Nous avions acheté, il y a quelques années, un terrain entouré de haies, à 500 m de la Manche, près de Cherbourg. C’est un grand champ de plus d’un demi-hectare, situé dans une zone protégée non constructible. Nous y allons souvent, pour y vivre en camping sauvage. À part quelques allées, nous laissons le terrain en friche. Nous découvrons ainsi, au fil des ans, de nouveaux arbres, qui, protégés par les ronces et les prunelliers, émergent peu à peu, et espérons qu’un jour ce terrain deviendra un petit bois : c’est notre ambition ! Car nous savons qu’au bout d’une dizaine d’années (soyons patients), les ronces se fatiguent et diminuent, laissant l’air et l’espace aux jeunes arbres.
Il y avait au début un petit chêne, dont l’écorce était rongée par les chevaux ou les chevreuils. Ayant fermé la barrière, nous le voyons maintenant grandir et s’épanouir à l’abri de ses bourreaux. Trois autres chênes ont sorti la tête des taillis, ils sont sains et vigoureux. Quant à moi, j’ai tout de même réussi à faire pousser deux petits chênes, à force d’enterrer des glands (je suis loin des prouesses du montagnard de Jean Giono). Mais à côté des chênes sauvages, c’est de la rigolade : ils sont tout petits ! J’ai aussi obtenu trois petits noisetiers : même lenteur à pousser… les noix, châtaignes, grains de raisin et noyaux de pêche (ainsi que les dizaines de glands enterrés) ont sans doute fait le festin des petits rongeurs, qui pullulent. Bertrand a probablement signé un deal avec les mulots, car ses plants de patate, eux, sont magnifiques ! Il y a aussi des sureaux et des charmes qui poussent spontanément.
Dans la serre, j’avais semé l’an dernier des graines de tomates, tout au bord de la bâche, pour que l’eau de pluie les atteignent, sans aucun résultat. Mais cette année : il y avait un beau plant couvert de fleurs; il aura donc fallu un an à cette graine pour trouver de l’eau !
Ayant lu que l’aubépine peut vivre 500 ans, (un spécimen a vécu 1700 ans en Mayenne), j’ai cueilli des baies, (que j’ai enterrées), sur les aubépines qui poussent ici, sur ce terrain. Quand aux charmes de la haie, j’ai tressé leurs branches, comme on le faisait autrefois pour créer une tonnelle (la charmille). J’ai creusé, dessous, un espace orienté Nord, au coin de deux haies, pour les grandes chaleurs : je pourrais même continuer à creuser pour avoir plus de frais.
Les plantes aromatiques (menthe, romarin et origan) que j’ai installées, en me contentant de planter des branches sans racine, ont tout de suite adopté ce climat et prospèrent. Mais les branches de prunier de Bretagne n’ont pas pris, et une seule branche de peuplier, sur les dix, a réussi à s’enraciner. Je l’arrose donc avec enthousiasme.
J’ai vu que les saules sont nombreux dans le petit chemin qui nous conduit à la mer. Voilà un nouvel objet d’expérience pour moi. Et bien d’autres suivront, je l’espère.
Ici, en septembre, la mer est tiède d’avoir chauffé tout l’été. Ayant choisi une période de canicule pour nos vacances, nous nous y jetons avec délice. Ici, la chaleur n’est jamais insupportable, et le vent nous rafraîchit, surtout sur la « terrasse ». C’est un gros tas de terre bien plat, que le terrassier a étalé, face à la mer, quand il a creusé le parking. Pendant les repas, nous avons la chance de voir glisser des petits voiliers … ou des gros paquebots qui quittent la rade vers l’Angleterre ou les pays Nordiques.
On entend juste la cloche de l’église et le chant des oiseaux. Un paradis. Un peu comme à la Coudraie, en fait .
Anne Bironneau