Le « faire-faire » de la traduction
C.J : Lors de la séquence précédente, tu m’as présenté des planches qui ne correspondaient pas tout à fait au topo de Patrice Maniglier relatif à l’ontologie du terrestre. Tu me disais que tu les avais croquées en y introduisant ta lecture de Gilbert Simondon, car tu avais eu besoin de faire un « pas de côté pour te sentir en phase avec l’auteur ».
B.C : Oui, mais ce détour, qui m’a surtout permis de rebrasser des cogitations anciennes, m’a au final apporté plus de trouble que de clarté. Comme il faut avancer, je vais les laisser en état (syncrétiques et analytiques), pour qu’elles se reposent. J’espère qu’elles auront un peu sédimenté à mon retour.
Pour les séquences à venir, je vais me centrer plus fortement sur le topo de Maniglier. Voici en premier lieu, cette planche. Que vois-tu ?
Je vois que l’improvisation « 1 » se décline en un couple action/différence. Je vois que cette première différence « 1 » est, de fait, une action pour l’improvisation « 2 ». Dit autrement, je vois que l’improvisation « 2 » se sert de la différence « 1 », comme d’une action qu’elle fait à nouveau différer. Je vois, ainsi, une série d’improvisation où chaque différence actée (par une improvisation initiale) devient une action à différencier (par l’improvisation suivante). Enfin, je vois que cette série est nommée dans le topo de Maniglier « cours d’action ».
Bien vu ! il n’y a pas d’autres choses à dire, je crois. Cette planche ne cache rien de souterrain. Elle se contente de proposer un graphe avec une série de mots et de traits.
Dans la planche suivante, c’est un peu différent. Il n’y a pas que des mots et des traits, il y a aussi deux citations issues du corps du texte de Maniglier 2021. Il est question de « traduction ». Comme je les ai mieux comprises en croquant cette planche, je me dois de te la montrer.
Si je relie cette planche avec la planche précédente, je vois que ces séries d’improvisation (ou cours d’action) ne se déploient pas solitairement. Elles croisent d’autres séries d’improvisation. Et si le lis les citations, je comprends que ces croisements font que des cours d’actions se trouvent traduits dans d’autres. Par exemple, le cours d’action « A » traduit le cours la totalité du cours d’action « B » et une partie du cours d’action « C ». Sur ce schéma, on peut donc comprendre que lorsque « A » fait agir (une partie) de « C » : il le traduit partiellement.
Ce ce que je vois aussi. Voilà donc le sens de cette notion de « traduction » qui est si importante dans le vocabulaire de l’ontologie des actants (et plus généralement du terrestre). Avant de dessiner cette planche, je ne comprenais pas bien quel était le lien entre la notion traduction et la notion d’action. Depuis, je visualise mieux de quelle manière tout « faire » (par exemple ici, le faire de « A ») est un « faire faire » (un « faire-faire » de « B » et de « C » activé par A).
Donc, plutôt de voir la traduction comme une action pure, isolée et nouvelle, tu la présentes, ici, comme une action qui embarque d’autres actions avec elle.
Oui, et donc, on retrouve le couple action/différence abordé plus haut : la traduction est ce qui embarque l’action initiale dans une action de variation qui fait « différence ».
En ce sens la traduction peut être vue comme une reprise.
Oui, mais avec cette idée que cette reprise rate quelque chose et qu’elle est, donc, de fait, une petite trahison. Dans mon cas, j’essaye de reprendre des citations de Simondon et les possibilité graphique du logiciel publicher pour qu’elles me parlent ou me montrent quelque chose du topo de Maniglier. Si je n’introduisais pas ces séries (lexicales et graphiques) à la série de Maniglier 2021, je ne traduirais et trahirais pas grand chose : ni Simondon ni le publicher ni Maniglier, en tout cas.
Cyril J. et Bertrand C.