Zones Villageoises Temporaires : ZVT

DOCUMENT 80

Source : journal de bord village à énergie positive, 31/01/2020


31 janvier 2020 : hier soir, lors de notre réunion publique, un ancien élu a évoqué la crise du bénévolat associatif. C’est un fado porté par beaucoup. Il s’apparente, un peu, à cette plainte que l’on entend à propos de l’échec de certains enfants à l’école : plainte qui n’interroge pas l’échec de l’école elle-même. (Il doit être tentant de faire peu de cas des apprentissages buissonniers ou du bénévolat non institué). De mon point de vue, la crise du bénévolat dans le monde rural met d’abord en lumière l’échec des associations de centre bourg, et il éclaire, plus largement, l’échec de la logique totalement associative. Cette logique synchronise les lieux, les dates, les gens, les gestes. Ce mode associatif est formidablement indispensable, mais il se trouve qu’aujourd’hui, les villageois se retrouvent dans un commun « fait » non « d’associations », mais de « dissociations ». (Leur pratique commune de socialité s’opère, on le sait, selon un mode dissocié territorialement, temporellement.) De mon point de « vie » d’habitant d’une fermette à la fois isolée et située au croisement de trois communes, je vois la vie de village associative à travers cette logique dissociative . Aussi, par exemple, lorsque nous voisinons ou organisons une fête des voisins, nous le faisons « naturellement », si je peux dire, en se passant de l’institution d’une association (loi premier juillet 1901). Nous nous  passons, aussi, du découpage communal (loi du 14 décembre 1789). Nous voisinons avec nos voisins de Luceau et de Beaumont Pied de Bœuf. Nous faisons village avec eux. Ceci n ‘est pas écrit dans le marbre. Nous créons une sorte de Zone de Pratique Communale Temporaire  une ZPCT ou encore, une Zone Villageoise Temporaire, une ZVT !

J’ai dit à cette réunion d’hier que je n’étais pas fan des associations qui s’activent sur la place lavernaise. Je ne me sens ni ancien, ni combattant, ni cycliste, ni jeune (même si je participe à la vie de l’asso. des jeunes du village), ni fêtard, ni marcheur de grands groupes, ni nouzillardien (même si j’ai mieux apprécié la sobriété de leurs dernières fêtes). Je me sens, pour autant, Lavernais. Ces six dernières années, j’ai adhéré (plutôt activement) à une association de copropriétaires (et colocataires) lavernais : le conseil municipal. Dans cette instance, on comprend que privilégier « l’associatif », ce n’est pas prendre le réalisme des relations dissociatives qui se pratiquent sur une commune faite de propriétés dispersées. Dans cette instance, on comprend que les décisions communales ne peuvent pas se réduire aux évènements associatifs.

En mettant les pieds dans ce conseil municipal, je me suis demandé où se situait notre « commun ». Certains conseillers le voyaient situé dans l’appartenance de « souche », à un lieu, d’autres à des histoires interpersonnelles, d’autres, dans sa traditionnelle économie agricole, d’autres dans son patrimoine, d’autres dans son avenir, dans sa jeunesse, etc. Avec d’autres,  j’ai milité pour que le conseil prenne des décisions qui permettent de « faire » village, dès notre mandat, selon des modalités qui soient tenables, praticables et accessibles à tous.  L’aménagement imaginé en 2016 autour de ce qui sera nommé, plus tard, l’espace Fleuriot, s’inscrit aussi dans cette logique. Il améliore, non seulement, la possibilité, pour les associations de créer des temps forts, il permet, aussi, aux habitants de partager, de créer, de produire, d’inventer du commun, bref, de « faire village » sur des temps dissociés. (Ce projet d’aménagement misait sur la capacité de chacun à en faire usage. Usage que certains imaginent voué à de dérisoires rencontres. Probablement, mais, usage tout de même !)  La démarche de village à énergie positive s’appuie aussi sur cette logique d’un commun dissocié, mais tenable et praticable par tous. Elle permet d’imaginer la création d’une communauté de pratique vertueuse vis-à-vis de la « planète » (comme on dit). Elle ambitionne une sorte d’émulation associative à travers des pratiques domestiques qui sont, par nature, dissociées. Les projets de jumelage (dissociation géographique) ou celui (à repenser) du site internet (dissociation temporelle) surfent aussi sur cette même logique. Bref, en dehors des traditionnelles fêtes du centre bourg, les possibilités pour une association de copropriétaires municipaux de favoriser la création de Zones Villageoises Temporaires sont, tout de même, assez nombreuses et assez indispensables si l’on souhaite « maintenir » une vie de village modérément mystifiée.

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