Ça prend substance

J’ai décidé de mettre des extraits de mes différents journaux et de suivre la chronologie, pour l’instant.

19.11.11 Pour la Samain (j’écris ceci quelques jours après) mon ex-épouse est venue à la hutte alors que je lui ai explicitement demandé de ne pas y venir depuis notre séparation. Ça m’a perturbé complètement. Le seul moment ou je me suis senti libre et ok avec sa présence fut pendant la hutte des hommes et en en sortant, je lui ai serré la main. Sinon ce fut une journée très bizarre pour moi et j’ai mis une bonne semaine à m’en remettre. P dit que c’est une bonne préparation pour la sundance.

11.02.11 J’ai téléphoné à John [1] à l’instant pour le prévenir de la demande que je vais lui faire en juin pour participer à la sundance. Il m’a dit de faire une quête de vision entre-temps afin de « make sure when you’re up there, that everything is clear » vérifier lorsque je serai là-haut que tout est clair. Bon et bien ça prend substance, je sens quelque chose en moi qui bouge et en même temps qui est extrêmement immobile, aux aguets. Je lui ai dit que je suais régulièrement avec P, il m’a dit de lui dire : « It would be nice to see him again in his life time », ça serait bien de le revoir de son vivant.

Si je rends mon mémoire de master fin avril et que je vois John fin mai, il serait bien de faire ma quête en mai. Je vais en parler avec P.

22.02.12 Les préparatifs sont en route pour faire ma quête pour l’ascension. Pour la première fois, ce matin, je ressens de l’appréhension par rapport au froid éventuel d’une part et le fait que je suis déshabitué des jeûnes de l’autre. Peut-être que je vais souffrir… Mais monter sur la montagne au moment de l’ascension, c’est pas mal.

Journal d’accomplissement

15.04.12 Inachèvement et accomplissement

Le fait que nous sommes inachevés nous pousse à rechercher l’accomplissement. Cette nuit il m’est venu l’idée de créer ce nouveau journal et j’avais déjà une première entrée précise en tête. Elle s’est malheureusement envolée avec Morphée.

La recherche d’accomplissement n’est pas obligatoirement mystique ni même intellectuelle. Elle peut aussi être à travers par exemple, le body building, la pratique d’un sport, l’extase par la fête, la transe et l’enivrement, l’intoxication des sens en général, ou la recherche de sens… Pour la fête et l’intoxication, c’est peut-être plutôt un besoin de dépassement du soi ordinaire, un composant de l’accomplissement.

07.05.12 Je pense à J C, cet ami que j’admirais pour son calme et sa sagesse et quand j’ai su qu’il allait faire la retraite bouddhiste tibétaine de 3 ans, je me suis dit : « Wow, c’est déjà une chouette personne, il va être génial après avoir vécu ces 3 années ! ». En fait, quand il en est sorti, il était un peu brisé, dépressif, il m’a dit qu’il s’était rendu compte pendant la retraite qu’il aurait mieux fait de faire une thérapie avant. Il est entré en psychanalyse après la retraite.

Il faut que je sache que ceci peut aussi m’arriver. Pas comme à lui, bien sûr, je suis une autre personne et beaucoup plus vieux que lui à l’époque. Mais penser que je serai « mieux » après la sundance est un écueil sur le chemin. Le mieux est l’ennemi du bien, il faut juste que je fasse les choses bien, l’une après l’autre, comme je le peux. Il faut juste que je fasse la moitié du chemin comme disait Archie, le reste me sera donné par surcroit.


[1] John Fire Lame Deer, fils d’Archie et petit fils de Tahca Ushte.

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Salut Bertrand,
1) Une quête de vision : comment ça se passe ?
La quête de vision (comme la hutte à sudation d’ailleurs), peut être pratiquée pour elle-même ou en préliminaire à une autre cérémonie. Traditionnellement par exemple, une danse du soleil doit être précédée par une quête. La quête elle-même est précédée et suivie d’une cérémonie de hutte à sudation et consiste à passer 4 jours et 4 nuits en haut d’une colline généralement ou en un autre lieu sauvage et isolé sans manger ni boire, dormant à la belle étoile, en quête d’une réponse à une question existentielle que l’on se pose. Ce que l’on va vivre, voir, rêver, ressentir, penser et éventuellement les visions que l’on va recevoir pendant ce temps-là sont autant de réponses à cette question. On garde cela pour soi de préférence pendant un an pour ne pas dilapider tout de suite aux quatre vents cette précieuse énergie et laisser mûrir l’expérience. Et pendant cette année après la quête on essaye de mettre en pratique ce qu’on a appris là-haut. L’entourage du quêteur, l’observe pour voir s’il y a des changements positifs. On peut se faire interpréter ce vécu, normalement un an après par un homme (ou femme) médecin. On appelle cela le retour de quête.
Dans la suite de mon journal, tu pourras lire comment cette quête de vision là s’est passée pour moi.

2) Comment je sens que je fais les choses « bien » ?
Quelque fois j’ai le temps de poser une bonne intention. On dit que l’enfer en est pavé. Il y a des accidents et des manques de clarté sur l’ensemble des circonstances, qui font qu’une bonne intention tourne vinaigre mais c’est probablement souvent que la personne qui place cette soi-disant bonne intention n’est pas authentique, pas en accord avec elle-même. Bon ça c’est pour répondre à ce fameux enfer. Cela dit, une bonne intention à plus de chances de produire de bons résultats qu’une mauvaise.

Le mieux est l’ennemi du bien ça veut dire, pour moi, que j’essaye de ne pas être dans la course du toujours mieux, toujours plus mais de faire ce qui me semble adéquat au moment et respectueux du moment, des êtres et des choses. Bon ça, c’est l’idéal. Souvent je me plante comme toi avec tes amis l’autre jour. Mais tu as analysé la situation et posé avec « ce que j’aurai pu leur répondre », les jalons d’une rectification possible. C’est ce que Dave a fait aussi en ré-enterrant le crâne de bison à peu près là où il l’avait trouvé. Je procède comme ça à postériori aussi quand je n’arrive pas à mettre le bon cap à priori avec une bonne intention par exemple.

3) Comment je sens que je fais la moitié du chemin ?
Là on n’est pas obligatoirement dans la modération – parce que la moitié du chemin ça peut être sacrément long parfois – mais plutôt dans l’humilité. Celle de ne pas croire qu’on peut faire tout, tout seul, à la force du poignet parce que lorsque l’on pense comme ça, c’est là qu’on finit à un moment ou un autre par se retrouver seul. On peut invoquer la grâce de dieu ou le « with a little help from my friends » des Beatles. Ce qui est sûr, c’est qu’on s’inscrit au niveau humain dans un collectif, que ce soit la famille, l’entreprise, les amis, la société… et on s’inscrit aussi dans un éco-système. Tout ça interagit. Si j’ai un cheminement éthique et que j’ai fait attention aux circonstances, ça n’aura pas le même effet que si je suis inattentif et irrespectueux. Dans le premier cas j’ai plus de chances de recevoir de l’aide humaine ou autre. Donc je ne sais pas si je sens que je fais la moitié du chemin, j’essaye de le faire c’est tout.
Tes trois questions sont au niveau du comment et moi j’ai répondu à chaque fois plutôt au pourquoi. Peut-être pourra-tu trouver des éléments de réponse concrets pour le comment de tes deux dernières questions également dans mon journal.
Tu poses de sacrées bonnes questions !