Institution terragraphe (presse, courriels)

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Cher Swan,

Lorsque je me suis déplacé au bureau de la poste pour t’envoyer mon  livre, la postière n’avait que des enveloppes avec « suivi de courrier » à me proposer. J’en étais désolé, car je ne voulais pas te donner l’impression de vouloir  « pister » la réception de ce colis. Tout au contraire, j’ai hésité à faire cet envoi, car je craignais que ta charge de lecture soit trop intense ces mois-ci  (en ce trimestre de rentrée, notamment). Je n’imaginais cependant pas que cela fut à ce point ! J’ai connu (à un niveau plus modeste que le tien) la charge de travail occasionnée par l’arrivée d’un nouveau référentiel de formation. Avec cet audit et cette démarche qualité,  je me dis que tu/ vous devez encaisser un sacré choc d’État (et réciproquement). Aussi, je me permets de t’envoyer toute l’énergie (que je peux t’envoyer) pour y faire face.

Merci d’avoir fait circuler le petit livre édité par terragraphe. Ce projet d’édition me plait. Il me motive et donne du sens à une partie de mes journées de « pensionné ». En te lisant, je me dis que ma focalisation sur l’objet « livre » (ou sur l’objet « site Web ») se fait au détriment d’une réflexion sur le réseau qui entoure ces objets (leurs « avants », leurs »après », leurs causes, leurs effets, etc.) . Ta lettre m’incite à voir comment je pourrais remédier à cela…

j’ai parlé au téléphone avec Remi Hess vendredi dernier. Oui, je te le confirme, il m’a bien fait comprendre que ma fabrication de livre était un peu « radine » envers les lecteurs !  Il m’a appris aussi que l’asso. terragraphe pouvait obtenir, elle-même, un numéro d’ISBN (ce qui lui donne plus d’autonomie, et lui permet, notamment, de se passer des éditeurs en ligne). En achetant le dernier livre de Pascal Nicolas Le-Strat, Faire recherche en voisinant, j’ai commandé à « Ours Editions », un petit feuillet « cousu main ». Voilà peut-être une réponse au questionnement que suscite, chez moi, ton mail. Ce genre de quasi-livre pourrait probablement être plus « à même » d’entrer en résonance avec le terrain d’où il émerge et avec ceux où il circule…   

Côté « pognon », (…) actuellement, Il y a un peu plus de 2000 euros sur le compte de l’association (un compte crédit coopératif, une banque que tu m’avais conseillée). L’édition d’un livre coute entre 8 et 13 euros. Comme l’association a pour seule dépense le maintien du site et l’abonnement à quelques revues (environ 300 euros par an), cela lui laisse de la marge pour des nouveaux projets d’édition. Quoi qu’il en coûte (ou plutôt, non, selon précisément ce qui en coûtera) elle serait, ô combien ravi de participer à l’édition d’une « cas y revue » estudiantine !  

Merci Swan, pour cette nouvelle belle lettre, dois-je t’avouer que j’aimerai la partager sur le site terragraphe …

Je te souhaite, en tout cas, un bien agréable mercredi buissonnier : sans trop de rigide arborescence, de tableaux ni de mails… (désolé pour celui-ci)

Amicalement,

Bertrand

 

Très cher Bertrand,

C’est avec quelques train de retard que je viens par cette lettre te remercier pour tes différents envois, lesquels constituent toujours une amorce de remise en mouvement. Amorce qui demeure tapie dans l’ombre, amorce qui attend son heure.

Je n’ai pas pris le temps de te remercier pour le paquet reçu avec joie sur mon lieu de travail. La surprise contenait quelques exemplaires de mon journal sur le geste de confiner ainsi que deux exemple de ton journal de lecture à propos de ma thèse. Recevoir cette surprise m’a autant fait plaisir que déstabilisé. Plaisir de voir matérialisé un texte dans un travail d’édition rondement mené ; mais déstabilisé aussi du fait de l’effet de surprise d’avoir à composer avec ces objets et de ma propre écriture (surtout pour le geste de confiner) et de ce qu’elle recèle, de ce que j’avais oublié à propos d’elle et de la savoir circulant aussi

Sitôt reçu ces ouvrages que je me suis remis à les lire et surtout à les faire vivre en les offrants à des lecteurs. Une manière aussi de donner un signe en me disant qu’un lecture tel Remi allait donner un écho de cette réception.

Pas évident non plus de se replonger dans le journal que tu as patiemment et brillamment tenu sur mon travail de thèse ; pas évident de se remémorer et de réactiver ce travail de longue haleine. Un germe s’instille et du mouvement s’ouvre.

Et voici que je reçois un opus conséquent il y a de cela quelques jours. Pourquoi Terragraphe ? ouvrage somme avec le reste 🙂 ! Ouvrage grouillant et complexe comportant de nombreux connus et des inconnus ; des points de rendez-vous et des points de fuite.

En parcourant ce dernier livre, j’envie cette énergie à pouvoir écrire comme tu le fais si bien depuis maintenant plus d’une année. Je me regarde parfois à écrire au travail, écrire de manière dérobée, à la va vite, en catimini. Mais surtout à répondre à d’innombrables mails et surtout remplir des tableaux depuis maintenant quelques semaines du fait que nous sommes en audit et autres démarches dites de qualité.

Du terragraphe ou terre à taire (prosaïque), mon spectre scriptural est plutôt dissocié et davantage prompt à alimenter la charge bureaucratique.

Te lire est dans ce sens salvateur ; suivre les méandres de tes cheminements laisse songeur sur les ménagements existentiel que l’on s’administre ; les moments que l’on subit, ceux que l’on choisit et la tension qui les anime voire les hante ici et là.

Les fragments de Pourquoi Terragraphe restituent cette habitabilité du monde dans l’expérience même que l’habitation ; l’écriture qui est la tienne éclaire cette manière que tu as de te donner des objets et de les titiller, de les approcher, de les déconstruire pour les reconstruire.

Dans ton mail, tu me demandes mon avis pour améliorer la maquette de mon livre sur le Geste de confiner?

D’abord, vaille-t-il qu’il se déploie? Des lecteurs potentiels?

Ensuite, s’il y en a, je pense que c’est sur ce geste d’écriture de la vie, à même la vie et tout ton travail va dans ce sens. Ou bien, peut-être faudrait-il agrémenter ce petit texte d’une intro (pour poser le contexte et les objectifs de ce texte rédigé pour des étudiants en travail social) et d’une ouverture qui dise quelque chose de ce texte une fois qu’il a circulé ou bien dise des choses sur le journal en lien avec le livre que vous venez de publier avec Remi et Augustin? Ou autre chose… A la lecture de ce petit opuscule, Remi disait que les notes de bas de page sont très petites…

En tout cas, ton travail d’édition est passionnant et je pense qu’il y a des pistes fécondes à entrevoir (et à plein d’endroits). Je ne sais pas comment tu accueilles la question matérielle (celle du pognon) pour fabriquer tout cela? Je pense notamment à l’avenir aux étudiants et la possibilité de vivre une aventure éditoriale en format revue (ou autre).

Cher Bertrand, encore MERCI pour ces attentions et ce qu’elles initient.

A bien vite

Bien amicalement

Swan

 

 

Vendredi 26 novembre 2021, 16 h 30
Mon Cher Bertrand,
Je viens de terminer une première lecture des 330 belles pages de ton Pourquoi terragraphe ? Topo-journal-superficiel. Je t’en ai accusé rapidement réception hier. Je voudrais te donner quelques réactions à chaud à cette découverte passionnante de ton travail de ces deux dernières années. Ce livre me parle du fait d’un partage de nombreux fragments de transversalité entre l’auteur et son lecteur. Tes méditations sur l’attachement m’attachent, en ce moment où je médite justement sur mes attaches géographiques et affectives.
Tu es « fermettier » d’une fermette, en fait un domaine de cinq hectares, et en même temps éducateur, formateur. Moi, je suis « gentleman farmer » (le label m’a été attribué par je ne sais plus quel « ami »), d’un espace, cinquante fois inférieur au tien, mais aussi branché sur les théories et pratiques de transmission. Je ne me sens pas discriminé dans mon rapport à toi. Car si tu expliques qu’à la campagne, la propriété de surfaces différentes discrimine, chez nous, c’est un rapport à la terre qui produit du commun et nous rapproche.
Tu es un grand lecteur ; sur ce terrain de la lecture je tiens aussi une place. Nous rendons compte de nos lectures, amplifiant les élaborations des auteurs rencontrés.
Tu es un diariste des moments et moi aussi. Certes, les moments choisis pour être diarisés sont différents chez toi et moi, mais parfois se recoupent : la lecture de tes entrées sur ton engagement politique au conseil municipal de Lavernat m’a renvoyé à la campagne électorale des départementales, menée ici avec Véro et « Le printemps marnais ». Si tu as été élu et moi pas, ce moment du politique est réfléchi ici et là dans une perspective partagée : faire communauté…
Bref, il y a de la résonnance morphique entre nous et nos rapports d’être au monde. Tu as vingt ans de moins que moi, mais tes chantiers physiques sur tes terres te fatiguent comme les miens.
Ta réflexion sur les sens est originale. Je ne me suis pas vraiment autorisé jusqu’à maintenant à penser ces aspects de mon vécu. Pourtant, les analyses de ton rapport à l’alimentation me parlent. Je développe une certaine réflexivité, malheureusement peu écrite, peu élaborée, encore très intuitive, sur la manière dont je développe une stratégie de cultures naturelles bien territorialisées dans le climat champenois qui me permet de proposer une cuisine domestique faite des produits du jardin… A te lire, je sens que, pour s’étayer, mon implication écolo aurait à développer des dimensions pas vraiment absentes chez moi, mais qui mériteraient d’être explorées davantage…
Finalement, qu’une lecture te stimule et te fasse te sentir prêt à de nouvelles expériences est un signe que cet ouvrage avait bien une raison d’être et surtout qu’il avait une place à trouver dans ta bibliothèque pour te permettre de le prendre et reprendre au fil de tes métamorphoses.
J’ai lu la liste de tes publications à la fin de l’ouvrage. Tu as été édité aux Presses Universitaires de Sainte Gemme en 2012 et tu me proposes d’éditer mes Lettres du jardin à Louise. Sans ta proposition, je n’aurais certainement pas fait le pas de les proposer à un éditeur, même si l’idée a pu m’effleurer. Ta demande à mon endroit a du sens. C’est vrai que ces lettres ont leur place dans le champ d’analyse de Terragraphe. Pour avoir une utilité sociale, une Maison d’édition se fonde et s’installe sur un terrain qui n’est pas déjà occupé par d’autres. Ton ouvrage donne à lire et explicite ce qui fait l’originalité de la démarche de votre association. Je me sens des vôtres. Quand il y a un lien fort entre le projet d’une Maison et ses auteurs, une interaction créative se développe. C’est ce que j’attends de toi, de vous, dans cette première expérience d’échanges, pour moi, sur le terrain d’une exploration de mon rapport au jardin et à la nature.
J’ai des domaines intellectuels sur lesquels j’ai beaucoup écrits (l’analyse institutionnelle, la pédagogie, l’interculturel, l’ethnographie des pratiques de danse). A un âge avancé, je me découvre un autre espace de publications possibles : mon rapport à la terre… Cela correspond à une époque biographique. Ma pratique du jardin remonte. Je tiens un journal du jardin depuis plus de vingt ans. Mais ce que je pouvais écrire me semblait banal, commun, ici dans un village où tout le monde cultivait son potager, sur un lopin de terre, arraché aux vignes…
Tu vois de l’intérêt à publier ces Lettres à Louise qui rendent compte aussi d’un certain rapport de transmission au niveau des générations… C’est un grand-père qui s’adresse à sa petite-fille, parisienne, qui, du fait du confinement, se trouve séparée d’un jardin où elle a cultivé un petit potager. Ces lettres entrent donc aussi dans un questionnement sur mon art d’être grand-père, déjà beaucoup exploré dans mon journal Louise, tenu depuis la conception de la petite. Ce journal compte aujourd’hui 800 pages numérisées.
Cette relation d’un vieux jardinier à une jeunette ou à un jeune, s’inscrit dans une filiation de longue date. Dans ton dernier courrier, tu me signales les lettres de J.-J. Rousseau à sa cousine pour lui expliquer comment initier sa fille à la botanique. De cette fin du XVIII° siècle, j’ai lu et relu récemment un livre à moi offert par Loïc de Bellabre (qui a douze occurrences dans l’index de ton ouvrage). Dans Le jardinier solitaire ou Dialogues entre un curieux et un jardinier solitaire, contenant la méthode de faire et de cultiver un jardin fruitier et potager, et plusieurs expériences nouvelles, avec des réflexions sur la culture des arbres (neuvième édition, Paris, Rigaud, directeur de l’imprimerie royale, 1770, 364 p, avec planches), l’auteur anonyme utilise le dialogue pour exposer.
Mes lettres s’inscriraient donc dans une filiation rousseauiste qui ne me déplait aucunement. De Jean-Jacques, Les rêveries du promeneur solitaire, découvert lors de mon adolescence, est un des livres qui m’a toujours été cher.
Puisque l’exemplaire que tu m’as envoyé de ton ouvrage est un premier tirage destiné à être corrigé, je voudrais te suggérer quelques améliorations possibles. J’ouvre l’ouvrage aux pages 176 et 177. A la page 177, tu laisses une ligne blanche entre chaque entrée du journal. A la page 176, tu ne le fais pas. Je préfère le choix de la page 177. C’est celui que je fais dans l’édition de tous mes journaux parus aux PUSG. Pour ma part, j’introduis même un espace avant la datation de l’entrée, comme on fait pour un titre. Je trouve que ces normes aèrent beaucoup la mise en page.
Voilà ! Nous allons mener à bien ce chantier qui pose quelques problèmes techniques particuliers. Nous avons déjà évoqué celui des photos. Dans ton livre, la solution d’introduire des illustrations en noir et blanc me semble très utile et bien gérée sur le plan technique… Nous allons tâtonner ensemble, mais nous trouverons une solution pratique à tout mode d’existence des objets/sujets que nous voulons faire naître.
Merci pour la confirmation de la commande passée par Terragraphe. Je me mets dès lundi à une relecture du manuscrit.
Je vous embrasse tous ! Remi.

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