Commun participatif : auto-critique

DOCUMENT 76

Source : journal de bord Campagne, 13/02/2020

 

Jeudi 13 février 2020 : ce soir, j’ai parlé à mes collègues colistiers de cette citation bien connue de Marx et Engel (1846)

        « (…) Pour moi la possibilité de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l’après-midi, de pratiquer l’élevage le soir, de participer à la vie politique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou homme, femme politique ».

Mes collègues m’ont dit qu’il ne fallait pas citer Marx, car cela était trop connoté. Cette citation est pourtant une citation qui critique le militantisme politique comme totalité. Elle dit qu’il faut se protéger du risque de l’enfermement à temps plein dans l’activité d’élu local, notamment. Pour moi, entrer dans une démarche de participation, ce n’est pas entrer en religion ! C’est probablement ce que n’ont pas réussi à faire les élus de la commune participative de Saillant (Fabien M. m’a dit que les élus de Saillant avaient terminé leur mandat totalement épuisés). 

J’ai montré à mes collègues cette diapo pour dire que les instances de participation telles que nous pourrions les mettre en place vont nous exposer à une zone critique de savoirs partagés. Si l’on veut être tranquille, mieux vaut voter pour la liste opposée : élus ou battus, on pourra rester dans nos zones de savoirs isolés.

L’expression « commune participative » ne me semble pas assez précise. Je préfèrerais que l’on parle de commune délibérative et contributive. Ce sont ces deux modalités qui apporteraient un réel changement localement. La modalité délibérative heurterait de plein fouet la logique de contrôle de l’expression (écriture bureaucratique, juridique, préfectorale…). 

La modalité contributive heurterait, elle, la comptabilité de notre municipalité telle qu’elle domine actuellement. Celle-ci ne prend pas en compte tous les biens communs que les habitants produisent (des savoirs, des services, des solutions, des solidarités) qui peuvent être difficilement calculées en euros. En marge ou en surplomb de la comptabilité classique, on pourrait, ainsi, imaginer une comptabilité « qui nous obligerait à ne plus confondre la nature de ce qui calcule, avec la nature de ce qui est calculé ». Je cite ici Bruno Latour.

Enfin, la pratique de la « participation » fait songer à la pratique des réunions, des palabres inutiles, des élaboration de papier : c’est typiquement un truc de la ville. Si l’on se contente d’organiser des réunions publiques, on va juste passer, au mieux, pour des citadins, au pire, comme le dit un ancien maire, pour un groupe de « 15 connards d’écologistes » (je cite ici un ancien élu) La participation, si l’on tient à ce terme, dans un village comme le notre, c’est d’abord une affaire de contact, de participation avec la terre, avec les éléments. Dans ce sens, on a pas de leçon à donner à nos voisins sur la participation. Ce n’est pas un truc magique qui viendra de je ne sais d’où. Elle fait partie du commun, du banal à Lavernat : on souhaite juste la valoriser, lui donner une traduction municipale.

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