L’effondrement des prophéties
Paris, avril 2024
Putain de volcan ça caille caille caille
Des cendres partout des cendres qui ne font que descendre
Un ciel de plomb qui nous tombe sur la tête
Et le soleil en berne depuis des jours longs comme des mois
La météo gris uniforme partout partout partout
Et la consigne qui tourne en boucle sur les radios
Interdiction de faire du feu
Interdiction de faire du feu
Pas le moment d’en rajouter question fumées
On devrait se réjouir
Enfin une mesure radicale pour limiter les émissions de gaz à effet de serre
Adieu le réchauffement climatique
Tu parles d’un chaud et froid
Et froid effroi
Arrête avec ton humour à deux balles une pour toi une pour moi
Tu crois pas que tu pousses un peu dans la déprime
Sauf que c’est trop dur sans ma permaculture
C’est vrai que ça nous manque nos circuits-courts dans la ville
Nos jardins en terrasses
Nos ballades à vélo
Nos raids en patinette
Patience c’est juste une pause ça devrait pas durer
Le nuage va bientôt se dissiper
Le ciel se dégager
La température remonter
Vous y croyez à ce qu’ils nous racontent
Leurs messages rassurants peut-être que c’est du flan
Au moins ça fait causer
On suppute on discute on se frotte les oreilles Et les esprits s’échauffent
Question chaleur humaine on pourrait trouver mieux
On pourrait trouver mieux
Tiens pourquoi pas créer une mutuelle de couvertures
Trop belle l’idée
Motion adoptée à l’unanimité
Proposition d’extension aux lainages et aux chaussettes
Objectif emmitouflage et calfeutrage à tous les étages
Zéro stock dans les armoires
Flux tendus à l’échelle de l’immeuble Et même du quartier
A condition qu’ils nous laissent déambuler
Rapport à la poussière soulevée par nos semelles de vent
Tu crains un couvre-feu Ou bien l’état d’urgence
Ils ont bien coupé Internet
Les téléphones pareil
Sauf que radio trottoir c’est pas la même histoire
C’est pas la même histoire
Tiens le concierge d’en face il m’a parlé de Notre Dame
Pas de bol les travaux étaient juste finis
Cette fois-ci c’est l’inauguration qui tombe à l’eau
Avec la nouvelle toiture couverte de cendres
Pas top l’image pour tourner la page de l’incendie
Tourner la page de l’incendie
Le SDF devant la supérette il s’en moque pas mal
Diable qu’il m’a dit y’a pire comme tragédie
Faut qu’on lui file une couverture
Je lui ai proposé mais il m’a ri au nez
T’en fais pas j’ai l’habitude de me les geler
Aucun souci pour sortir de ma zone de confort
J’y suis jamais rentré
Par contre on trouve plus rien à gratter dans les poubelles
La décroissance c’est ça aussi mon pote
Note bien que la croissance les millions comme moi on l’a jamais vue
Alors c’est pas le pet de travers d’un volcan qui va nous effondrer
Qui va nous effondrer
Le survival on en connaît un rayon
Crois moi on pourrait vous faire du coaching
On est plusieurs à avoir déniché un sous-sol dans un beau quartier
Je peux te dire qu’il y a des bagnoles qui sont toujours bien chauffées
Me demande pas l’adresse c’est réservé aux initiés
De toute façon sans ton GPS tu vas jamais trouver
Tu vas jamais trouver
Dire qu’en haut -lieu ils continuent à se chauffer au nucléaire Pendant qu’on se pèle les noyaux
Parait même que certains seraient partis se réfugier au soleil
Tu vois pas besoin de sauver les riches, ils se sauvent tout seuls
Sûr qu’à Dubaï, depuis leurs tours de malades
T’as une vue imprenable sur la mer de nuages
Sur la mer de nuages arrêtez le délire
Arrêtez le délire
Tous les avions sont cloués au sol depuis deux semaines
Les civils oui mais les militaires
Ils sont sûrement blindés
Qui sait si on les a pas réquisitionnés
Grandes fortunes petits bataillons
Avec un ou deux zings tu cases déjà pas mal de beau linge Sans même le froisser
Moi c’est le calendrier qui me chiffonne
Déclencher un tel cataclysme le lundi de Pâques
Et un premier avril en plus
Un premier avril
ça fait quand même de sacrées coïncidences De drôles de synchronicités
Ne me dis pas que l’éruption de ce volcan c’est un signe d’avertissement De la Pachamama
De la Pachamama
Je dis rien j’en sais rien
J’en sais rien
J’en suis à me demander pour qui elle roule la boule
Plutôt que de virer maboule on ferait mieux de prendre un peu de recul
Un peu de recul
On en a déjà pris pas mal avec notre prévision d’effondrement
Pas avant 2050 qu’on s’était fixé la prophétie
On avait tout bien calculé
Les stats pile compilées
Les chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les courbes qui mènent tout droit à la cata
La cata
Le rêve de toute une vie
Et vlan tout par-terre en 2024
L’année des Jeux
Les Jeux olympiques
Tu vas pas les pleurer
On était contre je te signale
Oui mais il y avait débat quand même
Avec ceux qui pensent que ce genre d’événement
Question consommation béton et kérosène
C’est bon pour accélérer la fin de ce foutu monde
Et que si on pouvait gagner quelques années
On aurait plus de chance de le voir mourir de notre vivant Ben là au moins te plains pas on est servis.
Paris, un an plus tard
Le ciel regardez moi le ciel
T’ouvres enfin tes volets
On dirait que tu sors du coma
J’ai trop flippé que la lumière s’était soufflée
Trop cauchemardé que l’éclipse allait nous enterrer
Trop besoin des sourires à mettre sur nos bleus
Des sourires à mettre sur nos bleus
Plus de six mois déjà que le voile s’est déchiré
On est revenu de l’enfer
Et ça nous fait ni chaud ni froid
Rien de nouveau sous le soleil
Après l’effondrement il est où le changement Il est où le changement
Le terril aux portes de Paris peut-être
De la poussière récupérée partout dans le pays
Dans les rues, sur les routes, dans les champs
Jusque dans les cours d’écoles
Bravo et merci les jeunes bénévoles
Grâce à vous et à la société Global Phoenix
L’espoir renaît d’une vie meilleure
Avec le droit de faire du ski en pleine ville
En plaine ville
Et en toutes saisons chaudes
T’as vu leur pub à pleurer le Déluge
Fini la piste de neige artificielle Place à la cendre naturelle
Descendre le plaisir grisant
Vivez plus qu’un slogan
Plus qu’un slogan
Promotion des familles
Pour les vacances de Pâques
Avec les enfants, les cousins, les cousines
Recherchez la position de l’œuf
Le plaisir simple d’une résurrection
Une résurrection
Au bout du chemin de croix
La reprise comme un remontant
Des montagnes de blé qui flottent sur l’horizon
Une brume argentée qui flatte les narines
Fini les odeurs de soufre
Les particules à rayer les poumons
Tu pourrais retirer ton masque
Son port n’est plus obligatoire
Tout juste toléré pour les insuffisances respiratoires
C’est mon cas figure toi
Et pas seulement à cause de l’air
Un masque ça peut aider
Aider à regarder le monde en face
Et ça n’interdit pas de pointer son nez vers les étoiles
Vers les étoiles
C’est pas plutôt pour te donner un genre
Tu crois pas si bien dire
Le genre humain
Et fier de l’être si tu veux savoir
Sans se prendre pour des dieux
Juste se respecter les unes les autres
Ni écraser ni s’écraser
Tiens tu devrais l’essayer pour le voir de l’intérieur
L’intérieur
Jamais je l’aurais crû
C’est magique
On dirait un miroir à remonter le temps
T’y retrouves le reflet de ton visage d’enfant
Le frisson de jouer à cache-cache avec les loups
Le goût de la confiance
Alors arrête de te planquer
Avance masqué
Masqué
Comme déjà des milliers
En plein jour
Sur les trottoirs
Dans le métro
Au boulot
Sur les bancs si t’y fais ton dodo
Tatoue ta face
Joue des couleurs
Bigarre ta foule
Réchauffe le climat
Rejoins le mouvement
Le souffle court
Le souffle court
Super le hashtag de ta mob
(ensemble)Rentrons dans la dissidence
Juste avec nos sourires
En guise de pied de nez
Et le rythme endiablé
De nos clins d’œil futés
Déjouons les caméras
Qui tiennent tout le monde en joue
Et nos tronches tristouilles
Coincées dans leurs ordis
A nous de passer le mot
Sous l’ écorce le manteau
Sous l’écorce le manteau
C’est comme ça qu’ils ont fait les volcans
Pour rugir en même temps
D’Indonésie en Islande
Et d’Islande au Mexique,
Le Kilimandjaro
Et le FujiYama
Jusqu’au Plomb du Cantal
Surpris dans son sommeil
Les retraités depuis des lustres
Réveillés en sursaut
Les jeunes qui poussent les vieux à bouger ça parle non
Comme les arbres qui communiquent entre-eux
(ensemble) Peuples de lave de sève ou de sang
On est tous des vivants
On est tous des vivants
Sauf qu’on n’est pas tous dans le même camp
Comment ça
Tu vas pas bien ou quoi
La nature et nous ça fait qu’un
Vous croyez encore à ces fadaises
Après ce qui vient de se passer
J’hallucine
On se défonce depuis des années pour la sauver
Et elle trouve rien de mieux que de nous exploser
La Terre nous a trahi les amies
Les amis
C’est ça la reconnaissance faciale de la réalité
La nouvelle donne qui nous oblige à réviser nos plans sur la planète Et pas dans cinquante ans
Déjà que depuis 2010 au premier coup de semonce
Après l’Ey jaf jalla jo kull
Comment tu le prononces
J’ocule
On a perdu trop de temps
A lui chercher des rimes en ule
Pour le tourner en ridicule
On sait maintenant qu’il peut tuer
Qu’il peut tuer
Et qu’il est pas tout seul
Et que la Pachamama elle laisse faire
Alors pitié
C’est plus le moment de minauder
De chercher des excuses Ou des explications
On dit pas qu’elle l’a fait exprès
Ni qu’elle est tordue
C’est juste qu’elle est pas fiable
Un coup de vieux peut-être
Ou une saloperie de maladie
Sauf que pour les planètes qui partent en vrille il est où l’hosto Il est où l’hosto
Faut qu’on s’attaque à sa prise en charge
Le sédatif
Affirmatif
Fini les enfantillages
Les risettes
C’est du lourd
C’est du pro
C’est pas du bac à sable La guerre est déclarée
On a besoin d’alliés
On a besoin d’alliés
Costauds
Compétents
Maîtres des paramètres
Un tel CV j’en vois pas d’autres que les GAFA
Quoi
Les GAFA
Pas question de faire affaire avec l’économie sociale prêchée par Saint Uber
Pas de chasse aux sorcières
On n’a pas les moyens
Eux au moins ils font pas semblant d’y croire
Et ils y vont à fond
A fond
A fonds pas perdus pour tout le monde
Ce genre d’omelette se fait pas sans casser sa tirelire
De ce côté là pas d’inquiétude il y a du répondant à la pelle
Et puis t’en connais d’autres toi qui calculent à la vitesse de la lumière
En plus ils sont déjà dans le flow avec leurs robots
Et leurs implants sous la peau Prêts à migrer en sous-sol
Scanner les entrailles de la Terre Installer la camisole électronique
Tu nous vois faire le job
Tu nous vois faire le job
En jouant les Jules Verne
Avec un club de spéléo
Alors gaffe aux GAFA gaffe à Gaïa On ne va pas y passer la soirée
Pour les gens de notre espèce
Il est où le danger
Il est où le danger
Dans ceux qui veulent augmenter notre espérance de vie Jusqu’à l’immortalité
Ou dans celle qui peut à tout moment nous atomiser dans l’Ether Façon feu d’artifice
Bouquet final
Basta
T’arrêtes de tergiverser
Tu choisis ta méfiance
Et tu lâches pas
(ensemble)Tu lâches pas
Los Angelès avril 2028
Qu’est-ce que c’est sombre
Bonjour les mauvais souvenirs qui remontent
Où est passée la rampe
Raide le gratte-ciel sans ascenseur
Décidément pas une cage pour relever l’autre
Endure les marches c’est pour la bonne cause
La bonne cause
Les travaux pour les prochains JO je parie
Tu vas voir d’en haut c’est géant
Offerts sur un plateau
Surplombé par les Terrils jumeaux des Jeux du renouveau
Des stades, des gymnases, des piscines, des dojos , Et bien-sûr des parcs et des studios au kilo
Pas étonnant que le courant électrique tire la langue
Ton souffle court il tient toujours
C’est plus ma cam j’ai viré ma cutie
Alors comme ça finit l’effondrement
Fini l’effondrement
Ralentis quand même s’il te plaît j’ai pas ton entraînement
Mon équipement d’athlète en herbe tu veux dire
T’es volontaire pour tester des dopants
Mieux que ça cheffe du projet Labo du CIO mon cher
Le sport au service de la santé durable
Objectif 1000 ans d’espérance de vie pour commencer
Et partir à la conquête de la vie sans fin
Tous les engagés des JO ont accepté d’être mes cobayes
Tu connais un champion qu’a pas envie d’être immortel
Capteurs, injecteurs, stimulateurs, transformateurs, réacteurs incorporés
On va faire des bonds énormes pour l’avenir de l’Humachiné
L’avenir de l’Humachiné
En attendant on rame pour franchir les paliers
XXII-ième tout le monde descend
Monsieur peut respirer
Et savourer la perspective éblouissante du ciel des Anges
Avec à l’horizon le prochain siècle à portée de main
Toutes les disciplines unies dans le même effort Pour enfin tuer la Mort
Faucher l’herbe sous le pied de la guerre
Et renouer avec l’idéal de paix du mouvement olympique
Tout ça grâce au progrès automatique
Suffit de se laisser guider par la main qui nous fait marcher
(ensemble)Qui nous fait marcher
A condition quand même que les volcans s’écrasent pour pas gâcher la randonnée
C’est pour ça que je t’ai rejoint en souterrain
La mise au pas planétaire on en fait notre affaire
(ensemble)Notre affaire
On est des radicaux de la techno
Pas de la zic qui fait musette
De la qui déménage
Les corps et les décors
Le militaire à côté c’est de l’école primaire
Tu verrais comme on éclate les contraintes budgétaires
Bill Gates nous a ouvert les portes
Avec Google il a même pas besoin de frapper pour avoir ses entrées
Le mec est cool faut parler son langage c’est tout
(ensemble)Son langage c’est tout
Investir dans l’immortalité c’est bien beau
Mais si la Terre nous satellise à coups de volcans un par un
Chacun dans son coin sur sa trajectoire
On sera combien à atterrir sur Mars pour refaire l’histoire
C’est trop aléatoire
Si tu veux pas risquer de voir ton fric délayé dans la Voie lactée
Prends les choses dans l’ordre
(ensemble)Dans l’ordre
Fais pas l’impasse sur le macro
Mets aussi ton électronique au service de la lutte contre la délinquance volcanique
C’est ça l’urgence si on veut avoir l’éternité devant nous
(ensemble)L’éternité devant nous
Il a signé des deux mains des deux pieds
On trinquerait pour moins que ça
A nos jeux technolympiques mon bon compère
Longue vie à nos partenaires tellement complémentaires
Avec leurs réactions en chaîne qui vont si bien
Mine de rien en contrôlant la Terre on sécurise les déchets nucléaires
Pour alimenter nos ascenseurs
Plus besoin de se prendre la tête avec le solaire et l’éolien
Chic alors on va pouvoir souffler
(ensemble)Pouvoir souffler
Et se reprendre une gorgée
Sans abuser
J’ai la tête qui commence à tourner
Et les jambes qui flageolent
Pas toi
Si si aussi
T’entends pas le son monter ça rock et ça roll nos verres sévère
T’as même les murs qui swinguent
Et les meubles qui valsent
Est-ce nous qui dansons
Ou la terre qui tremble
(ensemble)Ou la Terre qui trembbllleeee
Putain la faille
C’est chaud chaud chaud
Jean-Pierre Dardaud décembre 2019