Brique étape

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carnet sens Lundi 28 juin 2021

Je viens de penser à ce que j’aurais pu répondre à nos amis François et Sophie, lors de cette conversation d’apéro (décrite plus haut) où je m’étais senti, après coup, « minable » : depuis que je suis un peu éloigné du travail professionnel, j’arrive mieux à me concentrer sur un sujet que j’ai, jusqu’alors, repoussé : la pratique énergétique. J’aurais aimé dire que j’ai en tête, depuis deux ans, une petite idée sur la méthode que je veux utiliser pour aborder cette recherche : je ne veux m’intéresser qu’aux petites transcendances. Cet ordre de grandeur peut paraitre assez vague. Mais il est, à mes yeux, suffisamment précis pour cerner une zone d’enquête qui se limite à l’énergie du sensible ou plus exactement du « pas toujours sensible » (le « pas toujours visible »,  par exemple). J’aurais aimé leur dire que cette année 2021, j’ai enfin réussi à ouvrir un journal de recherche que j’ai nommé carnet sens. J’ai commencé par lire le petit livre d’une médium guérisseuse acheté à Super U. Ce petit livre édité, tout récemment, chez Marabout était proposé, aux chalands, parmi d’autres bouquins issus de la mouvance New Âge. Je cherchais, alors, un titre en rapport avec mon enquête. (Je tombai sur l’énergie invisible du corps, de Muller Bohard). Je voulais commencer par la doxa la plus commune avec l’idée de l’étudier avec le plus grand respect possible. La lecture d’un livre de Bruno Latour (lu dans la foulée) me donna, à rebours, une clé pour comprendre ce que j’essayais de faire, il y a quelques semaines : plutôt que de me mettre dans la peau d’un « moderne » (celle d’un professionnel du travail social par exemple), j’ai appris, avec cette première lecture, à renoncer à critiquer la croyance et à croire en la critique et je me suis mis, ainsi, dans une position d’un lecteur qui prend acte de ce que lui raconte une guérisseuse.

Lors de cet apéro, c’est après ce préambule que j’aurai pu répondre à la question qui m’était posée à propos du deuil de ma mère (décédé il y a près d’un quart de siècle). Plutôt que de répondre que la disparition de mon chien, lors de mon enfance, m’avait donné plus de peine, j’aurais aimé dire qu’il y a trois ans, j’ai essayé de voir tout ce que je pouvais écrire sur ma mère trente jours durant en tenant un journal que j’ai nommé un moi(s) avec mam’ ». Si je mets de côté le fait que j’ai dédicacé ce journal à Maëllia, notre petite fille née dix-huit mois plus tôt, j’ai vite senti que la tonalité de ce journal n’arrivait pas à explorer cette zone du pas toujours sensible que j’essaie d’approcher, à nouveau, avec ce carnet sens. Ce fut une étude intéressante, mais plus conceptuelle que factuelle si je puis dire. Un an après avoir écrit ce journal sur ma mère, une de mes sœurs m’annonça qu’elle avait la capacité de faire « passer » des gens morts et errants qui s’approchaient d’elle. Elle venait de découvrir cette nouvelle activité grâce, notamment, à la détection de la main de notre mère sur son poignet gauche (je crois). Depuis ma sœur à peaufiner son art. Son approche du « pas toujours sensible » est bien plus sensible que ce que je réussis à faire… pas toujours. Ma sœur est bien plus à l’aise avec les « présentations » au sens où je le décrivais dans ce carnet sens, il y a quelques jours. En tant que frère, cela me rend un peu jaloux. Enfin, je crois. En fait, plus exactement, cela me semble un peu trop transcendant. Même si mon cheminement est un peu plus long (et moins courageux) que le sien, je ne veux pas déroger à la méthode d’enquête que j’ai choisie. Je veux me confronter, à dose homéopathique, aux frayeurs extérieures de la présentation. Pour le reste, je veux laisser les représentations nourrir les angoisses de ma chimie interne.

À ce propos, il me faut faire un aparté à ce discours que j’aurais aimé tenir devant mes amis lors de cet apéro. Je dois écrire, ce matin, que j’ai encore rêvé d’animaux sauvages dans nos prairies après avoir mangé de la viande hier soir et que j’ai aussi rêvé, avant le match de l’euro de football France-Suisse de ce soir, d’un match de foot totalement dépitant. Ce match se jouait dans la partie française de la Suisse, là où les règles du jeu ne ressemblaient pas vraiment à celles du football que j’aime : je devais avec mes coéquipiers lancer des pieux en bois sur des joueurs essayant de prévoir la forme qu’aurait, en fin de partie, un grand cube de briques de Lego. Si le jeu me parut dangereux en début de rencontre, il me sembla, par la suite, incompréhensible. Ce qui me donna l’envie de l’abandonner : option que je refusai courageusement jusqu’à mon réveil.  

Alors oui, tout de même, à mes amis, l’autre soir j’aurais pu dire que j’aime bien parler de mes rêves dans ce carnet sens, car cela me permet de mêler « représentation » et « présentation », « digestion “et ‘prévision’. Leur dire aussi qu’un lecteur de ce carnet, Loïc de Bellabre m’a dit, à juste titre, que ces rêves n’étaient pas bien compréhensibles, ce qui va me pousser à les décrire avec plus de rigueur.

J’aurais, peut-être, pu dire à mes amis qu’en plus de la description de ces présentations nocturnes, ce carnet sens m’a permis aussi de présenter à nouveau (re) cette présentation, vécue alors que j’avais quatre ou cinq ans, d’un homme bienveillant, doucement lumineux et silencieux.

Concernant cet évènement, ma culture de travailleur manuel et intellectuel en sciences humaines et botaniques ne m’a pas été d’un grand recours. Je comprends, aujourd’hui, qu’elle fut, en partie, la prolongation de la culture religieuse catholique moderne dans laquelle je fus, partiellement, immergée enfant. Ces cultures ‘modernes’ ne purent pas beaucoup m’aider vis-à-vis de cette ‘apparition’ lors de mon enfance. Plutôt que de l’aborder d’une manière directe (comme une présentation), je fus plutôt enclin à l’expliquer d’une manière symbolique (en cherchant une représentation). Par exemple, je me suis ainsi, plusieurs fois (seul ou accompagné) interrogé sur le triple sens axiologique, épistémologique et sensitif d’un tel évènement œdipien.

Ce carnet sens a, peut-être, ceci de particulier qu’il m’aide à repousser l’écrasante transcendance de ces trois types de sens réunis. C’est d’une manière plus tordue, inculte et tâtonnante (c’est-à-dire plus naissante) que je les aborde ici. 

Oui, c’est ça, j’aurai pu leur dire que carnet sens me permettra, peut être, d’explorer un monde fondement, sans au-delà. Il m’aidera à me concentrer sur les moments naissants. Ces moments n’échappent pas aux transcendances, bien sûr, dans la mesure où celles-ci sont mesurées, infimes, sensibles. ‘Rien n’est plus divin que le cercle de l’amour’ : cette phrase écrite manuscritement et automatiquement dans ce carnet me présente quelque chose qui dépasse quelque peu l’immanence : quelque chose qui nous dépasse. Sur ce thème du dépassement, j’ai récemment écrit numériquement un topo sur un fichier qu’il me faudrait retrouver et peut-être glisser dans les extraits de ce carnet que je compte mettre en ligne sur le site terragraphe.

À mes amis, ce soir-là, j’aurais enfin aimé dire que j’avais repris contact avec Loïc, un ‘ami’ de mon passage à l’université qui mène une recherche, depuis treize ans, sur les rites religieux liés à la culture amérindienne (la danse du soleil, notamment). J’aurais aimé leur dire que Loïc a eu la gentillesse de lire le début de ce carnet sens et qu’il m’a tout aussi gentiment, conseillé de lire des livres plus anciens que ceux que l’on peut trouver dans un rayon de Super U. Leur dire que, pour lui, la littérature New Âge a oublié que des millions de pages ont été écrites depuis au moins 2500 ans sur ce qu’elle imagine révéler. (La disruption de ces livres New Âge se remarque particulièrement dans l’absence de citation des sources).

Leur dire que cette reprise de contact avec Loïc me permet de plonger dans une littérature plus ancienne. En plus d’un livre, encore lui, de Bruno Latour Jubiler ou les tourments de la parole religieuse (la Découverte, 2013), j’ai posé sur mon étagère de livre à lire :

De mémoire indienne, Tahca Ushte, Richard Erodoes, Plon, 1977 (1972)

Le Lama aux cinq sagesses, Alexandra David-Née, 1977 (1929)

Voilà, je crois que j’ai fait le tour de ce que j’aurais aimé dire à mes amis à propos du démarrage, ce printemps (et de la poursuite, cet été) de ce carnet sens.

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