Cours d’actions, action-réseau, actant et réseau d’actants : quatre systèmes de devenir

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B : Cette planche tente de montrer ce qu’est un « actant » du point de vue de cette annexe du livre Maniglier (2021) qui guide notre conversation depuis quelque temps.

C : En la regardant, je vois une sorte d’organisme primaire : une sorte de cellule d’eucaryote par exemple.

B : Mais tu sais, aussi, que comme pour les autres planches, le visuel est à saisir d’une façon ontologique.

C : oui, et donc, avec l’ontologie du terrestre, je me doute bien qu’il s’agit de remonter plus loin qu’en géologie ou en biologie : il s’agit de remonter en quelque sorte « en » philosophie. En se disant que cette sorte de « remontée philosophique » (régressive) nous permet de remonter (au sens progressif) des unités et donc des sortes de vérités.

B : oui, et sur ce schéma, l’unité (et probablement la vérité) que j’ai voulu montrer, c’est celle d’une entité autonome.

C : Cette unité pourrait être celle d’un protozoaire, j’insiste !

B : Oui, pourquoi pas ! Mais ce schéma peut représenter tout un tas d’autres genres d’unité. Commentant ce que peut désigner le terme « actant », Latour écrit que cela peut être « n’importe quoi : “un individu (‘Pierre’), un collectif (‘la foule’), une représentation figurative (anthropomorphique ou zoomorphique) ou non figurative (‘le destin’)” (Latour, 2011, p.27).

C : en regardant l’intérieur de cette entité qui pourrait être “n’importe quoi”, on retrouve cette idée qu’une série d’improvisation…

B… un cours d’action, donc…

C : Oui, qu’une série d’improvisation (c’est-à-dire un cours d’action) a pour caractéristique d’être ce que le dernier terme de cette série d’actions réussit à embarquer (c’est-à-dire à traduire) lors de son attachement avec les premiers termes de l’action. En n’embarquant “pas tout” et “pas bien”, mais en embarquant tout de même quelque chose, cette traduction fait une différence, elle “fait-faire” au premier terme autre chose que ce qu’il faisait : c’est en cela qu’elle montre sa force. À ce propos, j’aurais préféré que tu écrives le mot “force” au lieu du mot “puissance” dans ce dessin.

B : Tu as raison. Le mot “puissance” est un peu magique. Le mot “Force” est bien plus concret, oui. Dans le schéma ci-dessus, cette force, c’est en fait l’actant.

C : Mais, question : pourquoi dessines-tu, dans cette planche, deux séries “d’action réseau” (deux forces donc), pour “montrer” ce qu’est un actant. Une seule action-réseau (une seule force) ne suffirait-elle pas ?

B : Probablement, mais il ne s’agit pas, ici, de se précipiter. la moindre action réseau ne pas être réduite à sa qualité probable de force autonome. Elle une action-réseau, une force de traduction. Elle n’induit pas l’existence d’une force autonome à venir et elle n’est pas déduite par la possibilité de cette autre figure de style.

C : on ne peut donc pas imaginer une progression dans les niveaux de force entre 1) le cours d’action (ou série, ou force d’improvisations), 2) l’action réseau (force qui suppose la traduction d’une série par une autre) : 3) l’actant (l’entité qui autonomise une force)…

B :… Non, car chacun de ces termes est une figure de style ou plutôt une figure de « devenir ». Il y a la figure devenir du couple action/différence (le cours d’action), la figure devenir de la traduction (l’action réseau), la figure devenir de l’entité autonome (l’actant) …

C :… et en regardant la planche ci-dessous, on peut se dire que l’on est face à une quatrième figure de devenir : celle du réseau d’actants !

B : Oui, avec ce schéma, on a donc sous les yeux, quatre figures de devenir : 1) cours d’action (ou de force) : expression d’une différence, 2) action (force) réseau : expression d’une traduction), 3) actant (force) : expression d’une autonomie et 4) réseau d’actants (réseaux de forces) : expression d’une dépendance.

C : Pourquoi dis-tu que cette quatrième figure de style est l’expression d’un réseau de plusieurs dépendances.

B : Comme le dit le plus simplement possible Bruno Latour, « Un actant ne gagne sa force qu’en s’associant à d’autres » (Latour, 2011, p.245). La figure du « réseau d’actants » se contente d’exprimer les jeux de force et de faiblesse entre actants.

C : Cette figure du réseau d’actants montre aussi cette autre idée tout simple : un actant n’est pas en soi « fort » ou « faible ». Il l’est relativement.

B : oui, c’est ce que montre l’exemple de cette « affordance » dessinée ci dessous. On voit qu’un actant obtient d’un autre actant qu’il s’aligne sur lui. On peut donc dire qu’il gagne de la force en le faisant, qu’il devient plus fort que celui qu’il « aligne » malgré le fait qu’il soit, initialement, aussi faible (ou, pourquoi pas, encore plus faible) que cet autre actant.

C : oui, le schéma est parlant. On comprend qu’un réseau d’actants exprime un type, une figure de devenir et qu’avec les figures du « cours d’actions », de « l’action-réseau » et de « l’actant », on est face à ce que Maniglier nommait en 2021 un « système de devenir ».

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