Fermettier (janv. 2021)
Journal d’un fermettier décembre 2020 : ici
Dimanche 03 janvier 2021
18h : le soleil commence probablement à se coucher plus tard, mais je n’en profite pas pour travailler plus ardemment dehors. Hier, la terre était bien gelée. Me suis centré sur une longue tache « bureautique ». Avant-hier, pleine lune et premier jour de l’année. Marche de deux heures avec des amis. Le 31, dans l’après-midi, transport de huit brouettes et cinq sacs de fumier. Une petite heure aujourd’hui pour transporter de la paille dans le tunnel. Cela fait deux fois que je la déplace. Il fait moins froid qu’hier, mais il me fallait trouver une occupation qui réchauffe. Cela m’ennuierait de déplacer, à nouveau, ce tas de paille, mais je me demande, toutefois, si je trouverai, ces jours qui viennent, des travaux de fermetterie capables de me réchauffer autant.
Lundi 11 janvier 2021
18 h : Gel moins tenace qu’hier. Premier demi-après-midi de fermetterie depuis le début de l’année (la semaine dernière : loinverlà). Réparation d’un fil courant le long de la clôture jusqu’à la pompe à eau. Il y a deux ans, la tentative de relier les fils avec des dominos avait échoué. J’avais opté pour une fixation provisoire qui a tenu, donc, provisoirement. Cette fois-ci, j’ai réussi à viser les dominos. Ça marche. Un temps, j’ai pensé reporter la tâche après l’achat d’un « bon » tournevis électrique. Sorte de vieux réflexe : quand une tache me soucie, j’aime la repousser en me disant qu’il me manque le bon outil, le bon matériel. Sauf que ces temps-ci, je n’ai pas envie de me promener dans un magasin de bricolage. Voilà près de trois semaines que je ne suis pas sorti faire des courses. Savoureux. Je me suis attelé à la petite tâche sans attendre, aujourd’hui, d’acheter quoi que ce soit. (Relative petite victoire : j’ai fixé les dominos avec un tournevis neuf trouvé, par hasard, au milieu de mes crayons).
J’ai donné aux ânes des branches de mélisse coupées avant Noël. Pour eux, aussi, ce fut savoureux. Pour que je m’en souvienne, les trois ont tenu à poser pour la photo.
Lundi 18 janvier 2021
18h : il fait un peu moins froid que la semaine dernière et je suis un peu plus courageux. À l’instant, désherbage de la moitié de la planche de menthe pendant une heure trente.Travail ponctué de quelques refrains chantés avec Anne qui poursuivait, enchantée, l’édification d’une butte de permaculture. Ce matin, près de trois heures avec un artisan couvreur. Il a très méticuleusement préparé son devis. Beaucoup de travaux en perspective. Il y a 17 ans, les couvreurs nous disaient que nos toitures pouvaient tenir encore 20 ans. Nous y voilà. La semaine dernière, un voisin m’a fait remarquer qu’une ardoise avait « coulé » juste au-dessus de notre porte d’entrée. Je me suis senti « négligent » vis-à-vis de la toiture. Pas si tête en l’air que je l’imaginais. Essai de désherbage thermique du parking par temps froid (peu concluant), fait venir le maréchal-ferrant pour les pieds des ânes. J’ai beaucoup baissé la tête ces derniers jours : même en marchant. Compatissantes, Anne m’a montré une technique pour muscler la nuque et une branche de glycine m’a demandé de la tresser dans une branche de noisetier.
Samedi 23 janvier 2021
18 h 11 : avant-hier : ai terminé le désherbage de la « planche » de menthe, planté quelques racines (de menthe) pour couvrir les zones non pourvues, puis récolté un petit reste de pommes de terre dans une autre planche normalement réservée aux aromatiques. Transpiration.
Cet après-midi, j’ai griffé cette planche. Je n’ai pas « fignolé », mais le coup de main appris il y a quarante ans à l’âge de 15 ans est bien intact. Griffer : le geste de jardinage que je préfère. Je me suis ensuite interrogé. Que planter dans cette planche ? Je compte semer au mois de février et mars des fleurs pour le bouquet de mariage de ma fille. Cette espace aurait pu faire l’affaire, mais j’ai finalement opté pour une nouvelle planche de menthe. Ces fleurs ne sont pas très festives. Ces feuilles le sont. (Laura souhaite un bouquet pastel, je lui dirai qu’en Grèce, les jeunes filles tissaient leur couronne de mariée avec de la menthe). Je n’ai pas osé trop arracher de racines dans la planche « mère » (elle n’est pas totalement couverte). Plantation des morceaux de racines (d’environ 10 cm) en quinconce (écartement de 30 cm). C’est une première pour moi. À voir au printemps. Au moment crucial de confectionner le bouquet, j’espère que je pourrai soigner mon stress en buvant tout mon soûl de menthe. Travail plaisant bien facile à identifier et à noter sur mon calendrier de jardinier. Petite ivresse dans le vent froid (3 degrés) en chantant Barbara. Ce n’est pas tous les jours que je marie mon métier de fermettier à un moment de jardinage aussi formel et solennel.
Dimanche 31 janvier 2021
Nous restons ! Nous allons faire rénover les trois toitures de notre fermette. Le dernier devis a été déposé ce matin, dimanche, dans notre boite aux lettres. Le choix de l’artisan n’est pas encore fait, mais celui de rester, donc, oui. Au début de ce mois, nous nous sommes rappelé le conseil d’une de nos magnétiseuses : « décidez en janvier ! » Anne vient d’annoncer ce choix à nos quatre enfants. Elle est très heureuse. Je le note sur ce journal, comme pour renforcer, moi aussi, son aspect performatif.
Je viens de donner du foin aux ânes. Ne leur ai pas annoncé la nouvelle. Avant-hier, je me suis aperçu qu’ils avaient commencé à ronger les troncs des jeunes noyers (pourtant, protégés). Cela faisait plusieurs mois que noyers et ânes habitaient en bonne entente. J’ai dû me décider à les séparer. Les jeunes noyers vont-ils survivre ? Soin avec du goudron, mais pas certain que cela suffise. Dans la liste des arguments qui nous faisaient vouloir rester dans notre fermette, il y avait — placé tout en haut — ce verger récemment planté. Les ânes ont brouillé cette liste en s’attaquant à ce verger. D’un point de vue anthropocentrique (ou plutôt fermentto-centrique), c’est tout à fait curieux.
Curieux, aussi (mais bien plus agréable) le changement de climat cette semaine (minima de -3,5 mardi, puis + 7,8 jeudi). C’est bientôt le printemps chinois (le 04 février). Les Italiens (m’a appris Anne) nomment le leur « primavera » comme cette primevère en fleur que nous avons croisée lors de notre balade matinale. Les ânes passent beaucoup de temps couchés sur le sol. La pluie tombe abondamment (33 mm depuis lundi). Notre ruisseau d’hiver coule à nouveau.
Avant-hier, fin de la pose des bâches entre celles déjà en place au niveau des romarins. Travail assez fastidieux de rapiéçage de divers bouts de bâches recyclées. Trois morceaux d’après-midi difficiles. J’ai remarqué que c’était particulièrement dans les temps « mous » des après-midis que je devais le plus fortement lutter contre l’impression de ne rien faire qui ressemble à quelque chose. Lorsque la pluie est tombée (notamment mercredi) cela m’a donné un cadre. J’ai senti que je ressemblais à un gars qui bosse sous la pluie. Mes bidouillages pouvaient, au moins, être couverts par ce quelque chose (ce moment de travail sous la pluie) tout à fait commun et connu.