Journal de bord de la page web Loinverlà

Temps de lecture : 9 minutes

(Journal de bord antéchronologique)

Jeudi 16 mai 2024

Je viens d’envoyer un mail à Marion Vende, animatrice du site Synapsis. https://www.synapsis-energies-citoyennes-rurales.org/ Je me dis que ce mail peut avoir sa place dans ce journal de bord lié à la page Loinverlà :

« Merci pour ce mail. Merci d’avoir pris le temps de parcourir le site terragraphe. À propos de celui-ci, j’aurais tellement aimé le rendre (presque) aussi attractif que le site Synapsis, mais je crois que c’est un peu raté ! J’en ai bien conscience : ce site me permet surtout d’alimenter, face au terrestre, mon idiosyncrasie, voire mon idiotie du moment (!)  Tenir ce site, c’est juste ma façon de tenir « bon » face aux multiples logiques d’énonciations (liées au terrestre) qui me saisissent localement, ici à Lavernat. Dans un sens, je pense que ma pratique d’écriture diaire s’apparente à une pratique d’exorcisme. À défaut de pouvoir faire le poids face à ces « intelligences », terrestres, je les installe, je les assois par petits bouts, jour après jour, dans mes divers carnets de bord.

Pour le moment, je n’ose pas socialiser tous ces carnets sur le site terragraphe, peut-être pour ne pas trop polluer le web (sur ce point aussi, Synapsis est vraiment au top ). Je tiens par exemple un journal du « rêver » qui me plait beaucoup. Il illustre, à sa façon, comment la terragraphie permet d’explorer une « zone » qui ne se situe ni en dessous ni au-dessus du lieu où l’on rêve, l’on vit, l’on écrit, l’on… etc. C’est vrai que je pourrais faire l’effort de faire « parler » sur le web ces drôles d’entités qui sont tout aussi « terrestres » que celles liées à la géographie, la politique par exemple. Cependant, je me réserve un peu. J’essaie de me concentrer sur des sujets plus « sociables » (bien que le thème de l’ontologie du terrestre [que je tente de mettre ces temps-ci en avant] peut paraitre d’emblée « asocial » puisqu’il questionne [en essayant de se passer du cadre social classique] la pratique de l’association, de la sociabilité des actants).   

Pour d’autres raisons, je trouve que le thème de recherche « Loinverlà » peu encore « montrable ». Sa page sur le site terragraphe me semble notamment « mal fagotée » comme on dit en Vendée (et peut-être aussi dans le coin ?). Je ne m’en plains pas outre mesure. Je vous écris cela juste parce que je trouve agréable de parler « boutique » avec une collègue « web-localiste » !

Merci, aussi, Marion pour le lien sur le projet « écologie du livre ». J’ai apprécié les références à Guattari, Citton. En lien avec ce qu’écrit ce dernier, je me demande si nos projets réceptifs ne visent moins à créer du contenu (à l’image des youtubeurs en quête de « like ») qu’à faire émerger des comptes rendus nouveaux « sans créer autre chose que des effets de déplacement, de recontextualision, d’implantations et d’implémentation » (je cite, ici, Yves Citton, en me demandant, d’ailleurs, ce qu’il entend par « implémentation »…).

Dans cette attente, je me suis permis de vous adresser un mail ce matin à propos d’un projet de « parlement ». Comme je l’ai écrit avec précipitation, je ne suis pas certain qu’il soit très clair. Ce projet ne l’étant pas du tout, ce serait, en fait, vraiment étonnant ! Mais justement, j’ai pensé que la philosophie et le dispositif « Synapsis » pourrait nous aider à y voir plus clair.

Bertrand Crepeau-Bironneau » 

Mercredi 17 février 2021

Je viens d’ajouter un document présentant la plantation de plus de 700 arbres par des écoliers.

Hier, modification de l’architecture de la page Loinverlà. J’ai succombé à la tentation de ranger les documents par thème. J’ai listé initialement une douzaine de thèmes, mais me suis limité finalement à huit pour ne pas alourdir la lecture. Quatre mots classiques « climat », « figure », « lieu », « service » permettent de proposer quatre autres mots moins communs : « coterie » (pour les associations notamment), « odyssée » (pour les évènements) « jungle » (pour la faune et la flore), « joute » (pour les débats).

Cette mise en forme rend la page moins austère et plus compréhensible. Elle peut préfigurer l’existence d’un site Lavernat « bis » ou encore d’un site « d’opposition ». Comme évoqué dans l’article munici-scrables, c’est très loin d’être mon intention « pure ». Je suis loin d’être objectif, cependant, objectivement, je remarque que cette page loinverlà compte plus d’articles critiques envers notre liste que contre la liste gagnante. Mais ce sont là de vieux extraits de journaux. Dans l’avenir, cette page prendra peut-être une allure plus clivante. Le fait, par exemple, que le maire ait refusé que l’on « attache » (dans le compte rendu de réunion du conseil municipal) certaines énonciations publiques pourrait me conduire à les rattacher sur cette page internet.

16 janvier 2021

« Attachant(s) Loinverlà ». Cette expression est venue à mon réveil samedi dernier. Suite à la dernière élection municipale, j’ai pensé qu’il fallait que j’explore le dessaisissement de la gestion du site Internet de ma commune (Lavernat) qui s’est imposée à moi. Je me suis demandé de quoi-je avais-je été, en fin de compte, réellement dessaisi ? J’ai pensé que c’était précisément de ma possibilité de mettre en ligne un paysage d’énonciation liées à des « d’attaches » villageoises. Ce dessaisissement était relatif, car mon projet d’ouvrir le site municipal à ce paysage d’énonciations suscitait peu d’intérêt lorsque j’étais élu et j’ai vite compris qu’une éventuelle victoire de notre liste dite « participative  ne garantirait pas l’expansion de ce projet (tout au contraire, puisqu’un analyseur (construit) me fit mettre à jour durant la campagne une pratique de la police des frontières en matière de graphe impliqués).

Critique du slogan « penser global, agir local »

Au détour, j’ai remarqué qu’un agir « local » gouverné par une pensée globale (qu’elle soit étatique ou militante) pouvait refouler dans les choux, comme ma pompe à eau, l’écume du ruisseau du récit impliqué et du tendancieux. J’ai remarqué que le slogan « agir local, penser global » était particulièrement « asséchant » pour l’écriture réflexive. (Il est hostile envers la pensée et l’action : il les sépare, les remet en joue pour perpétuer le rapport de forces qu’il prétend dénoncer. Il réserve, in fine, « l’agir global » aux grands et déconseille le « penser local » aux petits : soyons sérieux, celui-ci ne serait pas souhaitable, suffisant, probant).

La difficulté de penser localement

La création compliquée de ce site Internet dédié à l’écriture de terrain montre combien il est difficile de penser localement. Il est difficile de tenir un journal de bord dans une entreprise, une école, une famille. Pour faire parler ces terrains, on préfèrera taire la bizarrerie de sa propre pensée et de sa propre action pour convoquer des généralités : celles que l’on retrouve, à propos de ces trois terrains, dans les manuels de sciences économiques, politiques et psychologiques. Leurs glossaires sembleront avoir bien plus de coffre que des récits mal fichus, sans queue ni tête. On préfèrera les gros muscles de leurs corpus à l’insuffisance (cardiaque) d’une anecdote. Je n’échappe pas à ce « on ». J’ai mis plus de quinze ans à comprendre que je ne faisais ni le fermier ni le maraicher, mais le fermettier. Ce terme regroupe une pensée et un agir qui m’attachent et auxquels je suis attaché. Le récit que je peux faire de ce quotidien « attachant » dans mon journal de fermettier ne fait que refléter pâlement l’intensité de cet attachement. Malgré cette pâleur, je tiens à produire régulièrement ce petit effort d’écriture. Je le fais, car j’aime lire des textes où les auteurs font part de leurs attachements vis-à-vis de leur « terrain ». Je le fais, car j’aime lire, non pas la subjectivité de l’auteur ni l’objectivité du terrain, ni le contraire, ni même leur gentil entredeux. J’aime lire tout cela à la fois, emmêlé, brouillé et imbriqué : attaché.

Plusieurs raisons justifient l’utilisation du titre Attachant(s) Loinverlà

Attachement passionné : début de récit et de calcul du commun

Je l’ai déjà un peu évoqué, ce titre me semble moins revanchard que celui de site officiel de Loinverlà. C’est un titre qui montre un optimisme, un affect, une chaleur, une brulure, bref une passion envers un lieu. Pourquoi mettre en exergue cet attachement ? Car il est le commencement de l’action et de la pensée. Tout ce qui touche à l’attachement est irraisonnable. Mais c’est par cet attachement passionné que la raison et l’agir « passent ». C’est bien longtemps après être passé par la brulure de cet attachement que l’on élabore, par exemple, dans le bureau d’une mairie, des récits organisés et thématiques (par ex. : un compte rendu d’une réunion de commission) ainsi que des calculs scrupuleux , justes et froids (par ex. : un tableau de bilan de fonctionnement). 

Attachant défibrillateur

Je me réfère assez balourdement, ici, au vocabulaire que Bruno Latour a utilisé en 2012 dans son enquête sur les modes d’existence. Lui même se réfère, tout aussi balourdement, au livre de Souriau, les différents modes d’existence (2009) et à celui (qu’il ne nomme pas) de Simondon, du mode d’existence des objets techniques (1989). Je pense que nous n’avons pas fini d’insister lourdement sur l’existence de ces modes. Aussi, il me faut, de suite, recopier une des phrases du livre de Latour pour tester ma première mise en paysage de documents attachés à Loinverlà. « Prenez un quasi objet : il est (il a) tout ceux qui y sont attachés ; prenez un quasi-sujet : il est (il a) tout ceux qui l’ont attaché ». (Latour, 2012, p.433).

OK Bruno. Je prends le défibrillateur. Ce qu’il est en tant qu’essence a moins d’importance que « qui » l’a et ceux qu’il a.

Qui l’a ? Il est passé par plusieurs mains avant d’être dans celles de l’électricien qui l’a fixé au mur du hall de la mairie. Il est aujourd’hui attaché au réseau EDF et à la municipalité. En tout cas, je suppose. (Je suppose que c’est par cette municipalité que passe sa survie en tant que quasi objet). En tant que quasi sujet, qui il a? Il cible les cœurs des habitants du bourg. Ceux-ci lui sont potentiellement attachés. C’est par lui que, possiblement, passeront leurs survies. Il les a, il les tient, il les stimule, les émoustille : « Ohé cœurs défaillants, approchez, coup de foudre assuré ! » Possédé et possesseur, attaché et « attacheur », objet et sujet. Tout ceci clignote fragilement. Quel touchant et attachant défibrillateur ! Il faut que des cœurs défaillants passent par le bourg pour le faire exister comme « personne » et il faut qu’il passe par un réseau de câbles de cuivre et par des tampons administratifs pour se stabiliser comme objet.

Son attachement au lieu ne va pas de soi. Il est, pour autant, indispensable s’il veut survivre à ce lieu, à cet endroit. On pourrait dire cela de tout ceux qui s’expriment dans les documents de cette page. Par exemple, l’attachement d’un conseil municipal au tracé administratif d’une commune ne va pas du tout de soi. L’un et l’autre peuvent coexister sans attachement (élus déconnectés du terrain, terrains déconnectés du pouvoir politique des élus). Conseil municipal et municipalité ont chacun leur propre registre, leur propre autonomie, leur propre félicité et, donc, leur propre mode d’existence. Pourtant, de fait, ils sont attachés l’un à l’autre et c’est par cet attachement qu’ils se définissent et qu’ils doivent leurs subsistances.

Attachement tout attaché

Chaque document relate noir sur blanc (et, aussi, en couleur) l’attachement d’un texte, d’une photo à un territoire assez limité. Dans cette page Internet une photo et une phrase sont, ainsi, attachées à un défibrillateur lui-même attaché au mur du hall de la mairie attaché à un territoire de service et de soin nommé village ou plutôt, bourg de village. On pourrait décrire cet attachement « tout attaché » comme on le dit pour les liens (attachés) Internet : phrase+photo+défibrillateur+mur+hallmairie+bourgvillage+service+soin 

Attachement anecdotique : début d’une expérience

Ce document attaché à un territoire est lui-même plus ou moins fortement attaché à d’autres documents. Lesquels ? Mon esprit déductif pourrait répondre à cette question. Pour l’heure, mon esprit anecdotique me fait noter qu’il est actuellement attaché alphabétiquement au document disciple de Freud et au document courrier heures de levée. Entre le service public et soin psychique : « le défibrillateur a effectivement toute sa place ! » pourrait me faire remarquer mon esprit friand de transcendances. Je lui répondrais que l’attachement ne relève pas ici d’une préméditation, mais qu’il offre tout le charme d’une des « surprises de l’association » (Latour 2012). Je lui dirais que cet attachement n’a pas été produit par un récit ou un calcul prémédité, mais que c’est à partir de l’expérience de cet attachement que toutes ces occupations sérieuses pourront se mettre en place.

À ceux qui exigeraient une explication à propos de l’agencement de ces quatre-vingts premiers documents, je pourrais faire remarquer qu’on ne demande pas à l’annuaire des pages blanches d’expliquer pourquoi Monsieur Dupont se trouve « attaché » entre Monsieur Durant et Monsieur Duchmul. L’énonciation alphabétique des noms de famille dans un annuaire induit une expérience d’une cohabitation attachante. Avec cette expérience, c’est alors que tout commence. Monsieur Durant, par exemple, peut s’en saisir ou non. Cette expérience n’est pas provoquée par le pur hasard, mais elle n’est pas, non plus, complètement décidée par ailleurs, par le dessus, par un « global » superfortiche. Je pourrais faire remarquer, aussi, que monsieur Duchmul se trouve dans la même rue attaché géographiquement entre Messieurs untel et untel. L’attachement est là qui provoque (non dans le bottin, mais dans la rue) un certain type d’expérience. C’est à partir de l’expérience de cet attachement que commence à s’élaborer le récit et le calcul (notamment) d’un attachement, d’une mobilisation de gens et de choses (et aussi d’autres « choses » que des gens et des choses…). C’est cette mobilisation multiple, plurielle, d’êtres et de faits divers, que tente de mettre en valeur la mise en paysage de ces premiers documents.

09 janvier 2021 

Je viens de rassembler alphabétiquement 80 premiers documents (souvent sommaires) puisés d’une façon assez subjective dans les maigres sources (assez objectives) dont je dispose : journaux de bord, courriers, sites Internet, articles de presse « attachés » à un territoire que je nomme ici Loinverlà. Cet assemblage frôle volontairement l’incongruité. Même s’il est appelé à être étoffé, il n’a pas vocation à donner une information ordonnée et complète. Il n’est pas, non plus, destiné à inventer des polémiques. Loin des dénonciations univoques, il vise, tout au mieux, à proposer une succincte mise en paysage d’énonciations multiples.

Essai de jeu avec les mots (douteux) Lavernat, Loinverlà :

Où se situe Loinverlà ? Probablement (mais pas seulement) vers Lavernat (dans la Sarthe), vers un territoire oint par l’État qui, dans l’état, m’est assez proche. Ses foisonnants modes d’existence (oints verts, parfois las) m’induisent et m’enduisent, m’attachent et me tachent envers et contre tout. Il me faut, de temps en temps, m’en laver. Na ! Pourquoi cette page Internet ? Pour montrer qu’avec ces multi-modes d’existence, même alpha bêtement mis en pâture, l’attachement n’est pas si loin…vers là.

L’agencement de ces documents dans cette page Internet ne propose qu’un énième type d’attachement villageois anecdotique. Quelle expérience peut provoquer cet attachement ? Je ne peux pas répondre par avance, je n’ai pas de plan, pas de calcul. Pourquoi cette page Internet Attachant(s) Loinverlà ? Je n’en sais rien. Je verrai, nous verrons.

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