Aphorisme et question à la c…

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En vue de la réunion publique de ce soir consacrée à l’étude d’une commune nouvelle entre Lavernat et Montval, ai listé quelques aphorismes et questions à la c… En espérant que ce délestage me permette de me consacrer à la traduction écrite des énonciations de ce soir (transcription qui sera projetée en direct dans la salle) :

Un rapport du Sénat note que les contrées qui ont une tradition de coopération agricole font plus émerger de communes nouvelles. Question : une culture locale de la coopération, de la négociation, de la controverse, du débat difficile, ne manque-t-elle pas, ces temps-ci, à Lavernat ? 

Puisqu’on ne peut pas compter sur cette culture historique, il faut créer de nouveaux dispositifs de concertation.

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Ce n’est pas le vote « pour » ou « contre » qui parait indispensable, mais l’instauration d’un dispositif de concertation. Puisqu’une décision importante est en jeu pour la commune, eh bien, on discute : pas seulement d’une façon binaire, pas pour simplifier la controverse, mais pour la rendre encore plus compliquée et donc plus intéressante et donc plus intelligente.

Ne peut-on pas compter sur cette intelligence pour produire, non seulement du débat, mais des solutions ?

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On peut comprendre que certains élus ont tout intérêt vis-à-vis de leur charge de travail à simplifier la discussion. Sauf que, en tant qu’élus, ils ont aussi le devoir de prendre en compte le fait que leurs administrés veulent la compliquer.

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Identité ? Chaque habitant a certainement sa façon de s’attacher à des petits aspects de la commune. Il y a ici et là des identifications partielles, mais pas un collage à une réelle identité (édictée par qui, d’ailleurs ?). Perso, je me sens attaché à Lavernat sans être spécialement attaché, pour le moment, à la fête du Nouzillard, par exemple. 

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Sous prétexte que des gens du village ne donnent pas un coup de main lors du montage des stands de la fête du Nouzillard, il faudrait laisser la châtaigne de Lavernat se faire avaler par Montval ?

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Ne pas oublier que le format budgétaire confond la nature de « ce » qui « calcule » avec la nature de ce qui est calculé : quelle ligne budgétaire, par exemple, pour la valeur « forêt » ?

Ne pas oublier, aussi, que ce débat nous est imposé par un État qui réduit à la fois la somme d’argent allouée aux collectivités locales et à la fois la nature de ce qui doit être « compté » localement.  

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Ce projet de fusion d’un point de vue pratique, ce sera un travail d’écriture. Ce sera un document au format A4 qui va circuler jusque dans les bureaux de la préfecture où il va être tamponné par des secrétaires puis signé par le préfet puis renvoyé probablement par mail à d’autres secrétaires. En complément de ce travail d’écriture bureaucratique tout à fait respectable, on peut aussi (même si c’est visiblement difficile) ne pas avoir de mépris pour ces extraits d’écriture de terrain, moins nobles, et moins « propés » : quoique.

Surtout, pourquoi vouloir opposer ces deux types d’écriture ? L’une sans l’autre n’a aucune valeur. Tout l’enjeu, c’est de réussir à mettre cela en commun. Avant de parler de commune nouvelle, on a, avec cet exemple de l’écriture, matière à explorer un commun renouvelé.

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Contrairement à ce qui se passe (au moins en théorie) au niveau national, ici, au niveau local, ceux qui gouvernent sont aussi ceux qui délibèrent. D’où l’importance d’instaurer des instances de délibération distinctes qui complètent les instances de gouvernance.

Ce fonctionnement quasi féodal accentue une communauté de destin entre les élus et leur territoire. La pratique de la délibération, en faisant intervenir de la transversalité (en donnant de l’air) permet de dissocier ces deux destins : il en va de la santé des élus et des territoires !

Connaissez-vous la présidente de la Suisse ? Moi, non. Il y a des contrées où visiblement la pratique démocratique est plus célèbre (et célébrée) que la figure de ceux qui les gouvernent.

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Il est dit que la première vague de fusion s’est faite sans une longue concertation avec les habitants. On nous dit : on construit la toiture, pour les murs, on verra cela après. Comment s’étonner que cet étrange bon sens nous oblige à redevenir gaulois : nous sommes maintenant contraints de prier les dieux pour que la commune nouvelle nous tombe sur la tête. 

La commune nouvelle : un projet pragmatique ? Certains disent cela, aussi, à propos du projet de faire de Mars une planète nouvelle. Le pragmatisme actuel consisterait-il plutôt à réatterrir sur terre, à réatterrir sur un commun renouvelé ?

Puisque le projet de commune dite « nouvelle » est porté par une idéologie qui fait partie de l’histoire ancienne, l’avenir appartient, donc, à la commune dite « historique ».

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Plus de respect pour le moindre élu qui, même inculte administrativement (ce que je fus), opte au milieu d’un groupe pour une décision d’administration locale parmi des réticulations, des hybridations et des enjeux d’échelles qui le dépassent. Plus de respect, donc, envers cet élu-là qu’envers ce passant qui, selon sa solitaire expertise, proclame qu’à la place de celui-ci, il aurait fait bien mieux !

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On apprécie la politique locale lorsqu’elle n’est que du bricolage. On ne la comprend plus lorsqu’elle refuse de collecter le maximum de « bris » (de point de vue) pour les coller ensemble.

Il est reproché aux « gribouilleurs » de ne pas, tous, avoir été capables de signer dans le cahier de brouillon. On est donc encore loin d’imaginer prendre en compte les entités incapables d’écrire. Le point de vue (et de vie) de la forêt de Bercé ne pourrait-il pas, pourtant, enrichir le débat ?

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« Ils ne font rien pour la commune ! » Voilà ce que disent certains habitants. Voilà, aussi, ce que disent certains élus ! Il n’y a pas une opposition entre ces deux protestations, mais une prolongation : signe que le fil de la discussion à propos de la commune est brisé, qu’il ne se renouvelle plus.

Plutôt que d’entretenir le « mépris » qui accompagne cette double protestation, il faudrait construire un dispositif pour explorer de fond en comble cette « méprise » : pourquoi sommes — nous, à ce point, incapables de dire « nous » à Lavernat ? Quelles collections d’habitants formons-nous ? À quoi sommes — nous plus ou moins attachés ensemble ?

À quoi nous sentons-nous attaché. e. s en tant qu’habitant. e. s de Lavernat ? Par exemple, si l’on est plusieurs à être attaché à tel ruisseau, on peut identifier ses alliés, mais aussi ses « ennemis » de circonstance (par ex, untel qui verse du glyphosate sur le bassin versant). C’est à partir de ce genre de constat que l’on pourrait négocier au cas par cas, entrer dans une pratique de la controverse locale qui pourrait enrichir la vie du village. Plutôt qu’une « commune nouvelle », on aurait sous les yeux nos « communs renouvelés ».

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Bien sûr, discuter à la fois de ce que nous sommes et de ce que nous voulons collectivement, cela ne peut pas fonctionner. Pourtant, cela « doit » fonctionner : donc, à chaque fois, il faut tout reprendre…

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