Noisetterie (2)

Dimanche 26 juillet 20

22 h : arrosé les potimarrons et tomates. Fort débit. La pompe est au top. Petite pluie hier soir et cette nuit. 1 mm selon Anne. Tâté la terre au pied du jeune noyer qui a souffert de la sécheresse de juillet : elle est encore humide. Un fort débit, déjà, mardi soir dernier. Une feuille est bien verte. Peut-être que d’autres viendront. Ai découvert un noisetier qui donne d’assez gros fruits. Il appartient au petit bois du bas le long du ruisseau d’hiver. Ses branches dépassent dans une descente de la prairie que je ne fréquente jamais. Envie de planter une rangée de noisetiers de l’autre côté du ruisseau. Ai découvert de grands pieds d’origan dans la friche, ai découvert un pied de reine des prés au bord de l’étang. Trois découvertes, donc. J’ai jeté des graines l’année dernière. Ai bien fait de ne pas débroussailler, comme à mon habitude le contour de l’étang. Me suis contenté de passer le fil (de nylon) au niveau de la clôture pour que le fil (électrique) soit tranquille.

En sortant de la maison, je ne savais pas trop ce que je ferais comme petit travail de dimanche après-midi. J’étais heureux de trouver quelques branches de peuplier à ramasser et à jeter de l’autre côté de la clôture. Puis, de fil en aiguille, je suis allé voir les ânes et j’ai arrosé les potimarrons. Je suis entré dans la grange avec l’envie de repenser son aménagement. Enfant, j’accordais beaucoup d’importance à ce moment du rangement. Il me permettait de méditer sur mon rapport au monde. J’ai fait comme les enfants qui jouent avec « ce qu’ils sont censés ranger ». Je me suis installé dans le fauteuil de lecture avec le livre de Tintin au pays des philosophes. Le livre met en lumière des courants de pensée. Tintin n’est qu’un prétexte, un analyseur. Remarque intéressante de Philippe Descola « on ne voit jamais Tintin en train d’écrire et de restituer ses voyages (…) Aventurier, badaud actif, Tintin est un rêve d’ethnologue délivré du moment de l’écriture ! » (p.49) La grange n’est pas si mal rangée que cela. Tintin a un rapport mondialisé au monde, à la planète, à la lune. Il n’arrête pas de voler. C’est le héros horssol de la modernité. J’ai reposé le livre et suis monté dans le demi-grenier de la grange. Ascension périlleuse. Sur le vieux foin posé sur le plancher, pas de Milou ni de chat. Dans les hamacs-séchoirs, de la mélisse séchée. J’entreprends de l’effeuiller. Je me rends compte que cela va être long. Tentation de ne faire que la moitié. Il y a trois jours, j’ai aidé Evrek à ranger sa chambre. À mi-chemin, Evrek m’a supplié de repousser au lendemain la suite du rangement. J’ai refusé. Je ne pouvais pas me dédire aujourd’hui. Satisfaction enfantine du travail terminé. Ai fait une photo pour le site.

Lundi 27 juillet 20

23h : deux sorties vélo aujourd’hui, l’une pour faire du vélo, l’autre pour aller chercher une pintade. Notre voisine sait que tu me l’avais conseillée, Jacques. « J’ai pensé à vous, je me suis dit que vous ne serez pas là la semaine prochaine ». Il y a un faux plat montant au retour de sa ferme qui se termine par une côte plus raide. Poursuivi par un grand-père et son petit-fils, j’ai réussi, le mois dernier, à semer ces cyclistes dans le raidillon. Il fallait connaître, ne pas se laisser emballer. En garder sous la pédale. Ai gonflé à bloc mes deux pneus. Ai l’impression que le genou gauche, lui, s’est dégonflé. Est-ce dû aux gélules de curcuma ? Des fluctuations sont possibles. Pas de vélo avec les petits ces derniers jours. Nous ne sommes pas équipés. Enfant, je roulais seul ou avec un ami. Petit ou grand tour dans la vallée de Chalo Saint Mars. Cela ne parait plus possible aujourd’hui. Je me suis demandé pourquoi je me sentais bien ce soir. J’ai pensé après au vélo. J’ai aussi pensé :« arroser les poireaux », mais ce n’est resté qu’une idée. J’ai profité de l’espace dégagé. Chaleur douce, herbe au repos. La nature est en vacances. Pas de lutte à mener.

Sur le « bon coin » vu encore des maisons affreuses dans la Manche. Une petite maison dans une prairie sans chichi, voilà ce qui nous ressemblerait. Celle-ci dans la Sarthe n’est peut-être pas assez petite et surtout la praire est grande. Elle nous emporte dans des heures de « travaux ». Dans une préoccupation qui se mesure en hectares. 4, voire un peu plus. Le moment du travail est important pour nous. Anne est une grande jardinière-cuisinière. Je suis horticulteur de métier. Ne pas s’en inventer nous a dit un voisin. D’autres moments restent en jachère. Depuis combien de temps n’avons-nous pas dansé ? On est pourtant ici grâce à ce moment. Le vélo pour perdre du ventre et pour retrouver le rythme. Je n’ai pas goûté la mélisse. J’ai hâte. J’ai pensé toute la journée que le bon coin était ici.

Mardi 28 juillet 20

22h30 : arrosé les poireaux. Quarante-cinq minutes de vélo tranquille. Genou gauche effectivement enflé, plus de doute. Ai pensé installer mon ordinateur sur une table pour écrire assis. Mais ai finalement conservé (en améliorant son rangement) le dispositif d’écriture en hauteur. Actuellement, j’écris debout, appuyé sur la jambe droite. Écriture d’échassier. J’emboîte le pas de notre héron qui passe des heures à se regarder dans l’écran de l’étang. Être étonnant. De quelle famille est-il ? Quel âge a-t-il ? Souvenir d’une phrase lue dans le journal de Salvador Dali deux ans avant ma naissance, en 1964 :« Pour écrire ce qui va suivre, j’utilise pour la première fois des souliers vernis que je n’ai jamais pu porter longtemps parce qu’ils sont horriblement étroits. » Les poules ont arrêté de pondre. J’ai oublié de me raser aujourd’hui. Une première depuis des mois. Ah, si seulement l’écriture de ce constat pouvait me faire une « belle jambe ».

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