En Ehpad : s’isoler pour tracer, tester

(Extraits, suite…)

Vendredi 19 mars 2021

(….) retour sur les mois précédents : entres autres, je me suis retrouvé à deux doigts de l’abandon de poste, car j’ai dû rester plusieurs jours au chevet de ma fille. Elle avait un traitement antidouleur qui pendant cinq jours la mettait dans un état second (elle voyait des buffles aux dents rouges !!!). Les médecins n’ont pas voulu me donner d’arrêt de travail et la direction de mon Ephad ne s’est pas montrée arrangeante. La période était éprouvante au niveau du travail et ma santé était devenue très fragile (un début de cancer a été, un temps, suspecté). Heureusement, un médecin a accepté de me prendre en urgence et j’ai littéralement craqué. Il m’a mise 3 semaines en arrêt et m’a mise sous traitement pour retrouver un sommeil plus serein.

J’ai repris le travail, mais depuis il me manque une partie de moi et de ma personnalité. Je n’ai pas retrouvé ma niaque d’avant. J’aime toujours autant mon job, ce n ’est pas le souci. Mais j’ai pris conscience que même si on s’investit énormément, lorsque l’on a un souci personnel et bien, nous n’avons pas de considération.

(…)

Les animations qui avaient repris entre les deux confinements ont très vite été de nouveau stoppées. Il a fallu organiser les visites des familles dans une salle dédiée….et hop je suis devenu “agent d’accueil” (un nouveau boulot inventé par maitre covid). Le matin, je continuais les Skype (trois créneaux) et l’après-midi, j’organisais quatre visites et, ceci, cinq jours par semaine. Le calcul est vite fait : cela faisait vingt visites possibles par semaine. Nous avons soixante-dix résidents, ils avaient, donc, droit à trente minutes de visites tous les quinze jours… Cela est devenu très vite compliqué. La direction a vite réagi en embauchant une personne pour m’aider. Depuis début janvier, nous sommes deux agents d’accueil pour proposer des visites 7 jours sur 7, trente-cinq fois par semaine ! Quel bonheur. Je me sens chanceuse d’avoir eu cette aide. Depuis le 1er février, j’ai même réussi à mettre en place des animations un weekend sur deux ! J’avoue que la reprise des activités a amélioré mon moral ! L’autre chance que j’ai c’est que la personne qui a été recrutée me ressemble beaucoup (tellement que l’on nous a surnommés Aglaé et Sidonie !) Avoir une personne qui partage les mêmes tracas et les mêmes soucis professionnels, ça aide ! On se sent moins seule. Surtout, cela permet de passer le relai. Agent d’accueil, en façade, cela parait être un boulot sympa. En vrai, il est horrible ! Les familles n’ont plus le droit de rentrer dans l’établissement et nous sommes le seul lien avec eux. On reçoit la colère, l’incompréhension, les questions de toutes les familles “et pourquoi  papa n’est pas rasé ? » ; « et  pourquoi maman a ce pull-la ?” ; “est-ce que les fleurs sont arrosées ?” ; “c’est du n’importe quoi, on en a marre !”… autant de phrases que nous comprenons, mais qui, à force, puise beaucoup de notre énergie au jour le jour. Donc, voilà, on se partage le poste d’agent d’accueil ! 

Notre premier cas Covid a été déclaré le 4 février dernier : confinement en chambre pour tout le monde ! Mode COVID activé ! On l’avait travaillé et bien préparé dans l’espoir de ne jamais l’utiliser ! Résultat, nous avons été formidables, car le seul et unique cas est resté unique ! Nous avons réussi à le contenir et ne pas faire propager ce virus. Nous avons gagné une bataille, mais nous sommes conscients que nous n’avons pas gagné la « guerre ». D’autant plus que depuis la semaine dernière les « Ehpad » s’ouvrent petit à petit… donc la vigilance va devoir s’accroitre.

Dimanche 21 mars 2021

Ce midi, j’ai programmé un déjeuner thérapeutique avec des galettes bretonnes, mais l’arrêt de travail de ma collègue va m’obliger à la remplacer sur son poste d’agent d’accueil. Je le ferais, mais hors de question d’abandonner nos galettes bretonnes pour autant ! Cela va me demander une bonne organisation et quelques pas de course entre les visites, le moulin, les Skype et le four !

De cette journée, je sais que je pourrais encore écrire un roman ce soir s’il me reste un peu de force et de temps. Maitre COVID nous pousse à « tester, tracer, isoler ». Très bien ! Ha si seulement les « maitres » des Ehpad nous permettaient de nous isoler, de temps en temps, pour tracer quelques lignes sur nos manières de tester notre santé professionnelle…

Une animatrice en Ehpad

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