Dernière porte

A propos de Gary et Franz : comme d’habitude, je suis arrivé à Minneapolis. Il y a dix ans de cela, Gary était venu seul pour me chercher. Cette fois ci il était en compagnie de Franz. Ce sont des amis blancs que j’ai depuis 1994 (la deuxième fois où j’ai été à la danse du soleil en tant qu’assistant, j’y suis allé 3 fois : 91, 94 et 2002). Ces types sont merveilleux et chevaleresques. Cette fois, à mon invitation ils ont décidé de se joindre à ma quête en venant assister et m’assister à la sun dance. Ils habitent environ 200 Kms à l’ouest de Minneapolis, pas loin du Dakota sud. Nous sommes partis d’abord dîner chez nos amis Audrey et Richard qui nous ont donné plein de nourriture et fruits secs pour le voyage. Un ami à eux, Louis m’a donné un collier qu’il a fabriqué. C’est ainsi revêtu de l’amour de mes amis du Minnesota s’ajoutant à celui de ma fille, de mon amie, de mes amis, du cercle de la hutte, de ma famille, comme d’un habit de chercheur de vérité que je suis parti vers la sundance. Le lendemain, après nous être promenés sur les terres de Gary, nous avons traversé le Dakota sud et fait les quelques 620 Kms qui nous séparaient de Saint Francis, le village de la réserve de Rosebud sur le territoire duquel se trouve la danse du soleil de « Crow dog’s paradise ».

01.08.12

Dernier jour de purification avant la sundance. C’est le « Tree day », le jour de l’arbre. Dans un peu plus d’une demi-heure on va aller chercher l’arbre. On a retiré avec déférence le vieil arbre hier, donc l’aire de danse a été, comme chaque année un jour et une nuit sans arbre. C’est seulement une fois dans l’année comme ça. Aujourd’hui est une journée très particulière, c’est pour cela que j’éprouve le besoin de faire ce rapport. Il y a eu trois moments particulièrement importants pour moi. J’ai eu un entretien avec Claude, un danseur du soleil Français chevronné, pendant que nous préparions tout le nécessaire pour la sundance et il a compris que je n’avais pas l’intention de percer, ce qui l’a étonné car il pensait que c’était obligatoire, ce qui m’a mis du coup dans une sorte de doute. J’ai donc décidé d’en discuter avec John. La source que j’avais, c’était ma grande discussion avec sa sœur Joséphine, il y a une vingtaine d’années. Joséphine m’avait dit qu’un problème était le fait que beaucoup de gens se perçaient par machisme, ou bien par la pression du groupe, parce que tout le monde le fait, pour ne pas passer pour une mauviette. Or le percement devrait toujours être le fait d’une conviction interne forte ou bien d’un rêve ou d’une vision. Partant de ce point de vue là je ne voulais pas percer, d’une part parce que j’en ai peur. D’autre part parce que je danse tout particulièrement pour ma fille et mon père et que tout deux m’ont demandé de ne pas percer, ils ont une aversion pour ça. Donc j’ai voulu commencer en douceur et j’ai l’intention de ne pas percer cette année, mais l’année prochaine probablement. (Je viens d’être un peu gêné car deux malabars indiens viennent de passer et m’ont vu. J’ai eu peur qu’ils fassent partie du service d’ordre et me confisquent mon dictaphone, car non seulement tout appareil photo et caméra sont interdits a la danse du soleil mais aussi tout matériel d’enregistrement.) Heureusement, ils ont continué leur chemin sans s’occuper de moi.

John m’a tout de suite rassuré et m’a dit qu’à aucun moment à la sundance il n’y a d’obligation de percer, ni cette année, ni la prochaine, ni les prochaines. Par contre je peux tout préparer pour percer si et quand je le veux. Et si tout n’est pas prêt, il est toujours possible d’organiser quelque chose. Ce qu’il m’a dit m’a considérablement allégé.

La deuxième chose qui m’a fait beaucoup de bien c’est que les trois autres nouveaux et moi, nous avons enfin eu notre cérémonie de la pipe avec John, afin de lui demander de nous accepter comme danseurs. Ce fut une très belle cérémonie ou il a d’ailleurs redit qu’il n’était pas nécessaire de percer. Nous étions assis en cercle par terre près de la hutte du camp Lame Deer. Nous avons allumé nos quatre pipes que nous nous sommes passés et avons fumé dans le sens des aiguilles d’une montre, jusqu’à extinction. Une cérémonie très calme et profonde qui a forgé encore plus notre compagnonnage des quatre nouveaux, deux Autrichiens et deux Français : Bernhard, Andréas, Escargot et moi-même ; ainsi que notre lien à notre chef de danse : John. John a dit : « Vous commencez ce chemin ensemble, aidez-vous les uns les autres. Loïc ici a reçu beaucoup d’enseignements de mon père, il suit ce chemin depuis très longtemps, n’hésitez pas à lui poser des questions. » Je dois dire que ça m’a fait du bien d’entendre ça, cette reconnaissance de la part de John. Après j’ai eu le sentiment d’avoir passé à nouveau une porte, la dernière avant la sundance, celle qui me manquait. Je n’ai plus peur, je n’ai plus peur pour l’instant, ça va peut-être revenir. J’étais très ému, j’avais du mal à traduire pour Escargot car j’avais des sanglots dans la voix. Je sentais vraiment l’engagement que nous prenions. Il nous a d’ailleurs à nouveau dit « avant que vous allumiez vos pipes, vous avez pour la dernière fois l’occasion de faire un choix peut être plus sage ». Aucun d’entre nous n’a changé d’avis donc nous sommes maintenant tous les quatre engagés et je me sens bien avec ça. J’ai peur un peu de la brûlure du soleil et de la soif, ces deux choses-là me font peur. Mais depuis la cérémonie de la pipe, un calme intérieur s’est créé.

Un autre bel événement s’est produit. Il y a quelques jours, Katinka une amie Suisse, est venue au camp. Elle m’a demandé ce qu’elle pouvait faire pour moi et je lui ai dit que deux choses me manquaient : de la grande sauge pour me faire ma couronne de sundance et un sifflet. J’ai de la sauge mais plutôt petite car à cause de la sécheresse, la sauge n’a pas poussée très haut. Il y a deux jours elle est revenue avec de la sauge très grande qu’elle a récoltée avec un ami Lakota du côté de Parmelee. Aujourd’hui j’étais dans mon tipi en train de préparer mes affaires lorsque j’ai entendu « Loïc, Loïc sort, tu as de la visite ». C’était Katinka qui m’apportait un sifflet, là j’ai eu une bouffée d’émotion. C’est un très beau cadeau de sa part. Je lui ai proposé de l’argent pour qu’elle puisse payer l’indien qui lui a fourni l’os d’aigle et celui qui a fabriqué le sifflet mais elle a insisté que c’était sa contribution à ma sun dance. Plus tard j’ai été lui rendre visite dans son campement pour la remercier et lui raconter un peu ce que j’écris ici et elle m’a dit qu’elle avait cherché un os d’aigle dans tous les camps, jusqu’à ce que le chef Carlos lui donne cet os d’aigle et son ami Lakota qui a récolté la sauge avec elle l’a confectionné.

Je me sens touché par tant de cadeaux de Katinka, de mon cercle de hutte et de mes amis avec les tobacco ties, les dons d’argent et les bons vœux, les bonnes énergies qui m’accompagnent sur le chemin de cette sundance.

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