Terre amère (écrire pour y entrer)
A propos de la rubrique « joute » de la page attachant(s) Loinverlà
Cette rubrique donne à lire des ressentiments campagnards (des ressentiments attachants qui gisent le long d’un fleuve ou qui tournent en rond au fond d’une vallée par exemple). Ce type de ressentiment qui n’offre pas d’horizon géographique peut rendre les habitants tellement fous qu’ils transforment certains villages en des hôpitaux psychiatriques à ciel ouvert. Aussi, il n’est pas inutile de s’inspirer de cette pratique assez répandue (depuis qu’elle fut initiée à l’hôpital de Saint Alban) qui consiste à demander à tous les habitants du lieu de tenir des journaux de bord individuels et collectifs.
Dans son livre, Ci-gît l’amer : Guérir du ressentiment (Gallimard, 2020) Cynthia Fleury note que cette pratique évite le « repli sur soi, l’apathie, la victimisation et l’exclusion ». Face au ressentiment, « écrire permet la projection dans l’avenir et le monde, écrire demeure la dernière — ou la première, c’est selon — des mobilités temporelles et spatiales. Écrire, c’est retrouver le mouvement ».
Cette écriture qui remet en scène des attachements territorialisés est bien, ici, une écriture terre à terre, et non pas, nécessairement, une écriture lumineuse Pour Fleury, « l’écriture comme inspiration pourra revenir plus tard et délivrer ses plaisirs. Là, il ne s’agit pas de cela (…) il s’agit de sortir du découragement, voire de l’amertume ».
Cette dernière vision bien moderne de la « sortie » est, bien sûr, séduisante sauf que pour la terragraphie, il ne s’agit pas de cela, non plus ! Il s’agirait plutôt, ici, d’«entrer» dans la superficie de l’amertume et du découragement. Voilà pourquoi, alors effectivement, comme l’écrit Fleury, « certains prennent le “chemin de l’écriture, comme d’autres iront marcher, ou s’obligeront à se laver. » Voilà pourquoi « cette écriture-là est un « prendre soin », un geste thérapeutique que l’on peut faire pour autrui ». (p. 258).
BCB