Fermettier (mars 2021)

Dimanche 07 mars 2021

10 h 30 : « Taille tôt, taille tard, taille en mars ». Voilà ce que m’a conseillé, cet automne, Roger un ancien arboriculteur bio de Verneil-Le-Chétif et ami du café de Lavernat.

Je ne sais pas ce qu’en pense Roger : selon mon calendrier, depuis 21 h 20, hier, la lune descendante serait propice à réaliser une taille de fructification. Je l’ai réalisée, en fait, un peu plus tôt hier après-midi, mais je me dis que le moment du geste compte moins que celui où l’on s’en rend compte. Le froid encore tenace (-1,8 °cette nuit) a gelé le passage de la journée et certainement de la lune. C’est seulement ce matin que les arbres (qu’ils sont) et l’arboriculteur (que je suis) commencent à se rendre compte de cette taille. Elle ne fut pas très sévère, du moins je ne crois pas. Anne a préféré ne pas regarder et les ânes ont aimé grignoter quelques rameaux.

Ces derniers rebroutent, depuis hier soir, dans une grande partie du verger. Au début de cette semaine, j’ai, en effet, pris le temps de protéger les troncs des six noyers, d’un chêne et d’un pommier avec du grillage.

Côté tunnel, les radis « de 18 jours » semés le 15 février ont pris leur temps pour commencer à lever. Le 05 mars dernier, nous aurions pu logiquement les récolter. A défaut (mais avec délice) nous avons mangé, hier soir, les radis de « 18 jours » qu’Anne a semé, de son côté, le 15 janvier. Lorsqu’il fait « un froid de canard » 18 vaut donc 50 si l’on compte en nombre de journées de 24 heures.

Une petite dizaine de canards a séjourné, ici, durant ces derniers jours de froid. Ils ont pu marcher sur l’étang gelé : d’où ce « froid de canard » qui semble une valeur aussi précise qu’une « petite dizaine » de palmipèdes, un radis de « 18 jours » ou un « passage » en lune ascendante.

Avec plus de précision, je peux écrire qu’il m’a fallu seulement trois après-midis pour charrier du fumier sur ce qui deviendra un nouvel espace de potager. Cet espace est situé au bord de la cabane aux bêtes. Je ne l’avais pas anticipé. C’est en commençant à déplacer laborieusement le fumier vers un terrain plus éloigné que l’idée s’est imposée. J’ai pensé qu’en vieillissant, il me sera plus facile de nourrir ainsi, chaque hiver, ce potager.

Les peupliers de « Damoclès » sous lesquels on craignait de lambiner ont été coupés par leur propriétaire. Nous en sommes rendu compte à notre retour d’une semaine dans le Gers. Ce fut une sacrée bonne surprise. Je ne pensais pas que je verrais de mon vivant ces peupliers couchés au sol. Après avoir guetté, pendant des années, la dangerosité de ces peupliers, il aura donc fallu que nous vaquions en vacances à 700 kilomètres de ces troncs pourris pour qu’ils acceptent de se faire tronçonner. Même si je ne peux connaitre le jour exact de cette coupe salutaire, tôt ou tard cela a donc fini par arriver.

Lundi 15 mars 2021

19 h : l’herbe du pré aux ânes recommence à pousser. Au début du mois, avant de partir dans le Gers, j’ai ouvert l’abri au foin pour que les ânes n’en manquent pas. Il restait deux rounds de baller. Un seul suffisait pour notre semaine d’absence. J’ai donc protégé l’autre avec une bâche plaquée par une grosse poutre. Je me suis un peu mis le doigt dans l’œil : de la poutre, les ânes s’en sont battus l’aile. Ils ont presque mangé les deux rounds durant notre semaine de vacances. Il a manqué donc du foin pendant une bonne semaine surtout qu’après un redoux, il a recommencé à faire froid (-2,9 ° mardi 9 mars).

Je ne me souviens pas d’avoir eu aussi froid depuis longtemps. Anne pense que cela est dû au fait que je passe cette année beaucoup de temps dehors. Elle est contente de voir ses épinards grandir.  Elle se dit surtout étonnée. Elle m’a dit « ne pas bien comprendre les épinards ».

Cet aveu m’a amusé. Je n’ai pas bien compris, pour ma part,  pourquoi la pose d’un grillage « anti-poule » autour du verger m’a pris quatre après-midis. Je pensais le poser en une petite heure. Ce que je fis. Mais voyant le regard d’Anne sur mon travail, j’ai compris qu’il me faudrait le reprendre. Rien de bien compliqué : les piquets étaient justes trop petits et pas assez nombreux. J’ai dû en chiner d’autres et tous les rallonger avec des petits bouts de lattes. Beaucoup d’aller-retour, beaucoup d’hésitation. Souvent la sensation désagréable de perdre mon temps pour un truc pas solide. L’envie d’envoyer paitre. Une chute de grêle m’a aidé à prendre du recul. Prévoir que la pose de ce grillage me prendrait une heure m’a fait complètement me « déprendre » après cette heure écoulée. Au-delà d’elle,  je n’avais plus de cadre pour « clôturer » mes bidouillages.

En fin de course, avant-hier soir, une grande satisfaction d’avoir terminé ma tâche avec uniquement de la « récup » (une palette guidée par une roue fait office de portillon). Du sentiment d’un travail  « nul » et bricolé, je suis passé au sentiment d’un travail « génial », car bricolé. Un bel exemple de métamorphose dont je compte garder longtemps l’enseignement.

J’ai lu ici que Swan avait planté à côté de Nancy des fruitiers que je ne connaissais pas (un kaki japonais et un asiminier). J’ai, de mon côté, planté au milieu de la sauge, un abricotier pêche de Nancy. Un arbre soldé dont la greffe s’est un peu cassée. J’ai rafistolé.

Jeudi 25 mars 2021

7 h : hier, semis de deux terrines de thym (ordinaire), une de basilic (marseillais) . J’étais heureux d’utiliser ces terrines de semis. Voilà deux décennies qu’elles me servaient de caisses à outils ! Voilà deux décennies que j’espérais leur donner la même utilité que dans les années 90 (j’étais, alors, éducateur technique auprès de déficients visuels). Cette séquence de semis en terrine m’a fait remémorer des gestes que nous pratiquions alors (le tamisage surtout). Il m’a fait retrouver le plaisir de la culture hors-sol propre à un moment spécifique de l’horticulture découvert dès l’âge de 15 ans.

Depuis mon installation comme fermetier (il y a 18 ans), j’ai exclusivement pratiqué le jardinage de plein sol et de plein vent. Cette pratique (moins concrète) n’a pas, à mes yeux, le même charme que la culture en terrine, en godet, en pot. Elle est beaucoup moins maitrisable, rassurante et magique. Ce semis en terrine m’a fait semi-régresser. J’ai repensé aux différentes phases de travaux de fermettier. La première phase (et la première année) fut celle du défrichement : il m’a fallu repousser les ronces, couper des arbres pour y voir plus clair et pour donner aux lieux une allure plus humaine, plus habitable. Les dix années qui suivirent furent celles de la phase « entretien ». Je me suis , ainsi, « contenté » de couper régulièrement l’herbe (nous avons aussi coupé près de 150 peupliers). En 2014, ayant réduit mes activités professionnelles, j’ai pu me lancer dans une phase de gros travaux de rationalisation et de simplification. J’ai par exemple retiré une clôture de vieux grillage et barbelée pour agrandir l’espace « foin » (et donc réduire l’espace de petite tonte). J’ai aussi créé, ailleurs, des zones de friches.  

Cette phase « 3 » (de simplification) m’a permis de réduire le moment « 2 » (de l’entretien). Elles continuent bien sûr à coexister. La phase « 1 », bien que très réduite, se poursuit, elle aussi, encore. J’ai, cette semaine, défriché des ronces dans un de nos petits bois. Cela m’a permis de créer un nouvel espace pour les ânes (ils y trouvent de nouvelles plantes et un nouvel espace pour boire).

Une quatrième étape est aujourd’hui à l’œuvre. Elle est centrée sur le moment de la culture (et prochainement de l’élevage). Un moment plus intensif ou, en tout cas, plus soigneux. C’est ce qu’illustrent ces semis réalisés, cette semaine, dans des terrines qui sommeillaient depuis 21 ans.

C’est dans l’esprit de cette nouvelle phase que j’ai bricolé deux portes grillagées à l’intérieur du tunnel. Je vais pouvoir, enfin, « cultiver » sans craindre le grattage et le chapardage des poules.  

Outre le semis du basilic et du thym, hier semis de graine de melon (charentais) ainsi que de  trois rangs de radis noirs (long poids d’horloge) sous un sol couvert depuis une année par des bâches. Des rongeurs ont fait des galeries et la terre est plus dure que je l’imaginais. L’environnement est plus hostile que sous le tunnel où j’ai facilement semé trois rangs de ces mêmes radis noirs.

En début de semaine, sous ce tunnel, ai planté des pommes de terre (Désirée bio). Ai opté pour une culture classique avec les espacements règlementaires : 30 cm entre les tubercules et 40 cm entre les rangs (je compte pouvoir les buter). Je poursuivrais la plantation dès aujourd’hui à l’extérieur à la suite des radis noirs. Sachant, à présent, à quoi m’attendre à propos de la nature de ce sol (couvert par une bâche), je vais pouvoir faire cette plantation en étant beaucoup moins geignard. S’il a encore gelé hier, il fait déjà 6,5 degrés ce matin à 7 h. Il est donc possible que je trouve même ce travail agréable.

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